Guernesey, 23 octobre [18]68, vendredi matin, 7 h. ¾
Je n’ai pas eu plus de chance aujourd’hui qu’hier matin, mon cher grand bien-aimé. J’ai eu beau me mettre aux aguets avant sept heures, je n’ai pas su te saisir au passage, ce dont je suis tout triste. J’espère, comme compensation, que tu as bien dormi et que ta santé générale ne me laisse rien à désirer et ton amour non plus. Je voudrais bien te remercier du grand bonheur que tu nous a fait hier à Mme Chenay, à M. Kesler et à moi en nous lisant ton admirable adresse aux Espagnols [1], mais je ne l’ose pas. Je me sens terrassée par la grandeur formidable et sublime de ta pensée et je me contente de t’adorer jusque dans les profondeurs et l’immensité de ton génie. Je pense à l’éblouissement que va causer au monde littéraire et politique ce nouveau météore lancé par toi. J’attends avec impatience l’effet qu’il produira sur tes fils, si habitués qu’ils soient pourtant à tous tes chefs-d’œuvrea précédents. Je t’aime, je t’aime, je t’aime.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 291
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « tes chefs-d’oeuvres ».