Guernesey, 23 juillet [18]68, jeudi, 7 h. du m[atin]
Je t’aime ! Je t’aime ! Je t’aime ! J’ai dormi, j’ai dormi, j’ai dormi et colle-toi ça dans le fusil [1] ! En attendant, je ne serais pas fâchée d’avoir de bonnes nouvelles de ton cœur et de ta nuit et de tes quatre verres d’eau. J’espère que tout va comme je le désire, autrement je vous ficherai des bons coups… de soleil. Et à ce propos, je remarque que le beau temps ne me paraît pas près de finir, ce qui me réjouit le cœur et l’âme pour toi, mon cher petit lézard, et puis encore pour nos deux traversées. Mon avis serait de brûler le gîte de Southamptona pour éviter l’horrible chaleur de la journée centuplée dans ces hideux wagons anglais. La nuit doit les rendre moins insupportables. Il en sera naturellement comme tu voudras. Je n’ai aucune hâte d’arriver à Bruxelles, c’est-à-dire à la fin de mon doux et cher bonheur quotidien, et je consentirais à rôtir pendant l’éternité à la condition de ne jamais me séparer de toi. Ainsi, mon adoré, mets que je n’ai rien dit pour cette étapeb et tâchons au contraire de rester le plus longtemps possible en route.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 204
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « Soupthamton ».
b) « cet étape ».