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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 décembre [1840], lundi après-midi, 1 h.

Vous voulez que j’ajoute foi à vos promesses, mon adoré, et vous y manquez tous les jours avec une constance digne d’une Juju moins amoureuse et plus indifférente au bonheur de vous posséder un quart de nuit que je le suis. Je vous gronde moins fort que je ne le devrais à cause de la ravissante petite lettre que vous m’avez écritea hier au soir. Je l’ai baisée autant de fois qu’elle avait de lignes, autant de fois qu’elle avait de mots, autant de fois qu’elle avait de lettres, ce qui donne un totalb rond de baisers bien appliqués du fond de l’âme. Depuis, j’en ai donné bien d’autres sans les compter. Je voudrais vous en donner autant sur votre petit bec, ce serait encore meilleur mais Dieu sait quand je vous verrai. Il est très tard, mon adoré, mais j’ai déjà écrit mon linge et compté ma dépense. De plus j’ai un mal de tête sterling qui m’a empêchéec de dormir toute la nuit. C’est à grand peine si j’ai agrippé par-ci par-là quelques petits morceaux de sommeil tout pleins de rêves et de soubresauts. J’ai eu aussi un froid excessif, je n’ai pas encore pu me réchauffer, j’ai les genoux encore glacés. Cela tient à ce que le froid a repris et que, sur l’illusion d’un dégel précoce, j’ai quitté mes cinq chemises pour n’en garder que deux. Je ne me serais pas aperçud de ce refroidissement si vous étiez venu, scélérat, aussi pour me réchauffer je vous baiserai jusqu’à ce que vous preniez FEU.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16343, f. 279-280
Transcription de Chantal Brière

a) « écrit ».
b) Parallèlement à l’énumération des éléments de la lettre et du total en baisers, Juliette transcrit l’addition en chiffres : 42 + 207 + 970 = 1221. Elle fait une légère erreur de calcul.
c) « empêché ».
d) « apperçu ».


28 décembre [1840], lundi soir, 11 h.

Voici que je respire un moment depuis tantôt, mon adoré, et j’en profite pour te dire que je t’aime de tout mon cœur de toutes mes forces et de toute mon âme. Ce soir je relirai et je baiserai ma petite lettre [1] autant de fois que cette nuit et que ce matin et si tu viens, comme je le désire et comme je l’espère, je te baiserai autant de fois qu’elle.
J’étais si lasse tout à l’heure que je croyais que je n’aurais pas la force de t’écrire mais je ressemble par le cœur au géant Antée qui retrouvait de nouvelles forces chaque fois qu’il touchait la terre. Moi c’est l’amour qui me donne de la vigueur. Je peux même dire que l’amour est ma vie depuis un bout jusqu’à l’autre. Sans lui je serais bientôt morte. Quelle ravissante petite lettre tu m’as écrite, mon adoré, chaque fois que j’y pense j’en suis folle de joie. Tu as oublié de la dater comme je ne veux pas la profaner de mon gribouillis, tu auras la bonté d’y ajouter la date et l’année. Je t’aime mon adoré, je te baise mon petit homme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16343, f. 281-282
Transcription de Chantal Brière

Notes

[1Lettre de Hugo du 27 décembre.

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