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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 avril [1840], vendredi, midi

Bonjour mon Toto, je t’aime. Tu ne viens pas, tu ne viens jamais, je suis triste comme un pauvre chien. L’autre semaine tu ne travaillais pas moins et tu es venu presque tous les jours, vous voyez bien que vous ne m’aimez pas autant qu’il y a huit jours et que j’ai raison d’être triste. Le petit arrangement de la cheminée fait admirablement bien au jour, votre invention vous fait honneur, c’est charmant. La bonne en fait de fameux cris ce matin : - ah ! ben voilà t-y, voilà ti, voilà ti ! On ena voit les expériences quand Monsieur touche à quéque chose. Oh ! Oh !
Voilà le succès que votre invention a eu ce matin. Vous ne perdez pas votre peine comme vous [voyez ?]. Je vous préviens que vos pauvres asperges commencent à baisserb l’oreille et que si vous tardez encore plusieurs jours pour les honorer d’un coup de dent vous ne trouverez plus que des SAULES PLEUREURS à la place d’un légume quelconque : si ce n’est pas par amour pour moi que ce soit par pitié pour ces infortunées qui se sont donnéc la peine de naître six semaines avant le commun des martyrs dans l’espoir d’avoir pour glorieux tombeau votre cher petit estomac. Pensez à cela mon AMI et venez déjeuner avec votre pauvre Juju. Je vous aime Toto. Notre-Dame était bien belle hier, on aurait dit qu’elle se haussait sur ses pieds pour vous voir passer, vous si grand, si noble et si aimé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 49-50
Transcription de Chantal Brière

a) « n’en ».
b) « baissez ».
c) « données ».


17 avril [1840], vendredi soir, 7 h. ¼

Pauvre ange, vous voilà enrhumé et souffrant, et vous ne vous arrêtez pas et vous ne serez content que lorsque vous serez malade tout à fait et que je serai au désespoir. C’est très imprudent et très féroce ce que vous faites là, voyez-vous, vous jouez avec votre santé et avec ma vie, méchant. J’ai travaillé jusqu’à présent. Je viens de copier ce que vous dites du drame et de l’océan, des gens qui sont aplatis par le mal de cœur ou dans le ravissement. Je trouve tout ce que tu dis sublime et on ne peut plus vrai. Mon Dieu, quel Toto vous êtes. Et ce carillon et cette Flandre et ces heures qui dansent vêtues à l’espagnole [1] c’est-à-dire scintillantes de notes comme des paillettes, mon Dieu, mon Dieu que c’est charmant et que je suis une pauvre créature à côté de vous mon amour. J’ai honte de moi quand j’y songe : aussi je me dépêche de me réfugier dans mon amour parce que là je n’ai pas d’égal et que je suis aussi grande que vous. Donne-moi ta bouche, tes yeux, ton âme que je m’y confonde en baisers, en amour et en extase. Je t’aime mon cher bijou. Je t’aime mon adoré. Où es-tu ? Que fais-tu ? À qui penses-tu ? Quand te verrai-je mon bien-aimé ? Je voudrais sortir ce soir avec toi pour m’appuyera à ton bras et pour te voir admirer la lune et chercher Mercure dans le ciel. Viens. Oh ! viens, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 51-52
Transcription de Chantal Brière

a) « appuier ».

Notes

[1Juliette évoque le poème XVIII du recueil Les Rayons et les ombres : « Écrit sur la vitre d’une fenêtre flamande ».

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