Bruxelles, 20 septembre 1868, dimanche, midi ½
Que fais-tu de ton rhume, mon cher bien-aimé ? J’aime à croire que tu l’as déjà exterminé. Que ne puis-je en dire autant du mien qui semble vouloir s’éterniser à tout jamais en moi. Il est vrai qu’il s’y ajoute beaucoup de complications dont il profite avec acharnement. Cette nuit ma toux a amené le vomissement complet et entier de mon dîner et ravivé ma douleur de côté. Je n’en ai pasa moins pris mon fameux verre d’eau que j’ai encore dans le ventre ou plutôt sur le cœur. Si je n’écoutais que mon instinct de conservation, je m’abstiendrais de toute médicamentation, au moins pendant mon rhume et jusqu’à ce que je sois de retour à Guernesey où je puis avoir mes coudées franches pour être malade et pour me soigner. Je regrette que ce ne soit pas ton avis, car Dieu sait ce que me coûte mon obéissance à ta médicaillerie inopportuneb. Enfin c’est encore une manière de te témoigner mon amour illis. À ce point de vue-là, la souffrance a son bon côté et je m’y résigne avec toute la grâce dont je suis capable. J’ai payé la note de l’hôtel montant à 72 francs 10 sous, ce qui met la bourse de Suzanne à sec. Tantôt j’enverrai savoir si le jeune Millaud est arrivé [1] et s’il dînera chez moi ce soir. En attendant, je te geins mes plus tendres tendresses.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 261
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « Je n’en n’ai pas ».
b) « ta médicaillerie inoportune ».