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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 novembre [1837], mercredi matin, 11 h. ½

Bonjour mon cher petit bien-aimé. Bonjour mon bon petit homme. Je t’écris de mon lit où je me dandine pour tâcher de guérir ma gorge qui me fait vraiment mal. Mais toi mon pauvre bien-aimé, tu as encore passé une partie de la nuit à travailler et toujours sans feu je suis sûre. Je ne sais pas vraiment comment tu peux y tenir. Sans compter toutes les affaires qui t’occupent tous les jours, pauvre cher bien aimé petit homme, je te plains et je t’aime de toute mon âme. Il me tarde de te voir. J’ai toujours peur, quand je pense à tout ce que tu fais, que tu tombes malade. Il ne manquerait plus que cela pour m’achever. Mon pauvre petit Toto, mon cher petit homme, prends bien des précautions pour que ce malheur n’arrive pas. Il est plus que probable que tu verras Mme D [1]. ou au moins une lettre d’elle. Je voudrais bien savoir ce qu’elle a à dire pour sa justification. Il serait bientôt temps, mon Dieu, de sortir de cette série de mauvaises affaires qui nous poursuit depuis notre retour car à la longue cela devient fatiganta. Je t’aime toujours plus mon cher bien-aimé et c’est bien naturel car je te trouve de jour en jour plus noble et plus grand que jamais. Je pense sans cesse à toi et rêve toujours de toi. Je ne parle jamais que de toi et toute ma vie est fondue dans mon amour pour toi. Si tu viens tout à l’heure, tu me trouveras bien bonne et bien amoureuse et si tu ne viens que tard je serai encore comme à présent seulement je tâcherai de n’être pas trop triste puisque je sais que cela te contrarie. Mais je t’aime tant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 53-54
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « fatiguant ».


15 novembre [1837], mercredi soir, 8 h. ½

Je ne trouve pas de mots assez expressifs pour te dire tout ce que je sens d’amour et d’admiration pour toi, mon bien-aimé. Tu as toutes les perfections du corps et de l’âme. Tu es admirablement beau et admirablement bon. C’est bien sûr toi que Dieu a fait à son image. Aussi c’est toi que j’aime en lui, et lui que j’adore en toi. Si tu étais de la même nature que moi et que tout le monde, je regretterais de t’avoir parlé avec tant d’expansion ce soir, par la crainte que j’aurais que ma confidence n’altérâta en toi cette bonté et cette affection que tu as euesb jusqu’ici pour ma fille. Mais je n’ai pas ça à redouter, au contraire, et s’il y a quelque chose de changé en toi pour cette malheureuse et chère petite fille, ce sera de la plaindre, de lui pardonner, et de l’aimer encore davantage, j’en suis bien sûre. Et moi, moi, je ne peux pas t’aimer davantage. Tout ce que Dieu a mis sur la terre de tendres sentiments et d’amour, je l’ai pris, je l’ai tiré et étendu de toutes les forces de mon âme, et s’il est possible d’aimer plus, ça ne peut être qu’au ciel dans le paradis. Je voudrais déjà être avec toi pour savoir comment on fait. En attendant je me laisse aller à t’aimer comme je peux, c’est toujours mieux qu’aucune femme au monde, et si tu as beaucoup d’ambition de ce côté-là, je la dépasserai encore autant de fois qu’il y a eu de vrais amants depuis que le monde est créé. Si je dis des choses bêtes, ce n’est pas ma faute. Si je t’aimais comme tout le monde, je trouverais des mots, des expressions et des idées tout faits, tandis qu’il faut que je les invente. Je ne veux pas plier cette lettre sans baiser tes yeux, tes petites mains et tes chers petits pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 55-56
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein
[Souchon]

a) « n’altéra ».
b) « eu ».

Notes

[1Il s’agit de Marie Dorval, avec qui Hugo a un différend (voir la note à ce sujet dans lettre de la veille).

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