Guernesey, 29 février [18]68, samedi, 7 h. du m[atin]
Quoi que tu dises et que tu fassesa d’injuste envers moi, mon grand bien-aimé, je t’adore. Il ne dépend ni de toi ni de moi qu’il en soit autrement. Je t’aime, je t’aime et je t’aime sans autre raison que t’aimer. C’est ma fonction, ma mission, ma vie et mon âme. Il faut en prendre ton parti comme j’en ai pris le mien dès le premier jour où je t’ai vu. J’espère que tu as passé une bonne [nuit] puisque tu es déjà au travail. Moi j’ai très peu dormi mais je compte me rattraper la nuit prochaine. Nous avons joliment bien fait de profiter d’un quasi rayon de soleil hier pour sortir car cela n’aurait pas été possible pour moi aujourd’hui à cause du froid et du vent qu’il fait. Mais comme il n’y a que le premier pas qui coûte, je ne suis pas fâchée de l’avoir fait dans notre mois, cela ne peut que me porter bonheur pour tout le reste de l’année. La mer est bien houleuse ce matin mais les goélands n’en paraissent que plus joyeux et moi aussi qui t’aime dans la tourmente comme dans le calme.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 60
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « tu fasse ».