28 avril [1847a], mercredi après-midi
Je ne demande pas mieux que de tʼattendre chez moi, mon doux bien-aimé, et même je le préférerais de beaucoup à sortir. Mais ce qui est agaçant cʼest lʼincertitude. Tu ne peux pas savoir à quel point le peut-être ? à de certains momentsb a quelque chose dʼirritant. Aujourdʼhui surtout que jʼai une sorte de malaise moral qui me rend la vie sédentaire et seule odieuse et insupportable. Je te demande pardon, mon Victor, de tʼoccuper de moi toujours. Je devrais mʼeffacer complètementc devant toi, je le sais, et jʼy fais tous mes efforts. Seulement je nʼy parviens pas autant quʼil le faudrait et que je le voudrais. Encore si tu mʼavais dit ce quʼil y avait dans la lettre de Mme H. Lucas, je pourrais peut-être mʼen faire un sujet de courage et de résignation. Mais tu es dʼune discrétion alarmante et qui nʼannonce rien de bien rassurant pour moi. Enfin il en sera ce quʼil plaira à Dieu et à toi. Tu sais que jʼai un grand couteau à ton service, quand tu voudras je tʼen ferai part.
Tu dis donc que tu sors aujourdʼhui pour LʼAFFAIRE DE CHARLES [1] ? Cʼest dʼun bon père. Quant à LʼAFFAIRE CHAUMONTEL [2], tu la négliges à cause de lui, cela se comprend de reste. Cependant tu feras bien de ne pas lʼoublier tout à fait. On ne sait pas tout ce que peut contenir de CORNES et de CORNETTES [3] cette AFFAIRE CHAUMONTEL. Je te la recommande en tout bien tout honneur et je te prie de passer à LA MAIRIE [4] le plus tôt possible.
Juliette
Collection particulière
Transcription de Véronique Heute
a) « 1847 » est ajouté au crayon dʼune autre main que celle de Juliette Drouet.
b) « certain moment ».
c) « complettement ».