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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 juillet 1851, dimanche matin, 7 h. ½

Bonjour, mon Victor bien aimé, bonjour et BEAU jour ; bonjour, avec tout ce qui donne la santé, la joie et le bonheur, bonjour. Si tu savais quelle douce joie je me promets, de passer une partie de cette journée seule auprès de toi, tu comprendrais jusqu’à quel point tu es ma vie, mon souffle et mon âme.
Pauvre cher bien-aimé, je ne me défie pas de toi, Dieu le sait, mais je crains que tu ne t’abuses toi-même sur le véritable état de ton cœur. Je crains que tu ne prennes l’intérêt et le dévouement que je t’inspire pour un sentiment plus tendre et que tu ne te sacrifies sans le savoir dans ce moment-ci à une sorte de mirage d’amour que je ne peux plus t’inspirer. L’épreuve, ou plutôt les épreuves qui vont avoir lieu bientôt, t’éclaireront mieux sur tes véritables sentiments que ne le saurait faire cette lumière douteuse de la pitié. Jusqu’à ce qu’elles aient fait le plein jour dans ton cœur il m’est impossible de me livrer en toute sécurité au bonheur de t’avoir retrouvé tout entier. Attendons que des rapprochements et des relations renouées aient passé et repasséa sur ta vie comme sur un pont suspendu dont on veut éprouver la solidité et Dieu veuille que le poids n’[illis.] pas mon espérance à moitié chemin. J’attends avec une douloureuse anxiété le résultat de ces épreuves décisives pour tout le monde. Quelles qu’elles soientb je m’y soumets et je les accepte en mettant d’avance tout mon courage, toutes mes forces et toute ma résignation au service du bonheur.
Quant à l’autre supposition je n’y hasarde ma pensée qu’en tremblant, comme si elle allait se dérober sous elle comme une planche trop faible pour supporter tant de bonheur. Si c’est moi que tu préfères, si c’est bien moi que tu aimes, mon Victor, je n’aurai pas assez de ce qui me reste à vivre pour en témoigner ma reconnaissance au bon Dieu. Pas assez de joie, de baisers et de bénédiction pour t’en remercier.

Juliette

BnF, Mss NAF 16369, f. 115-116
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
[Blewer]

a) « des rapprochements et des relations renouées aient passé et repassé ».
b) « Quelqu’elles soient ».


13 juillet [1851], dimanche soir, 8 h.

Je ne t’ai pas encore tout dit, mon bien-aimé, car je ne me souviens pas d’avoir commencé à t’aimer et je sens que cela ne finira jamais.
Ce n’est peut-être pas une raison suffisante pour excuser l’intempérance de gribouillis à laquelle je me livre mais tua

qui t’a touché, tout ce qui s’est répandu de toi dans mon honnête petite chambre, me console, me parle, me regarde, m’enivre, m’imprègne, me caresse et m’aime comme quelque chose de vivant. Je veux tâcher de garder cette douce illusion jusqu’à ce que tu reviennesb auprès de moi, c’est pour cela que je suis si heureuse de ma solitude, que je m’y plais et que je la bénis.
Si tu ne peux pas revenir ce soir, mon bien-aimé, tâche de ne pas veiller trop tard ; ménage tes forces pour la lutte qui va s’engager cette semaine ; soigne ta santé qui est ma vie. Pense à moi si tu peux et aime-moi si tu l’oses. Je te baise dès à présent et pendant toute l’éternité.

Juliette

Leeds
BC MS 19c Drouet/1851/49
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) Il manque une page complète.
b) « revienne ».

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