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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 juillet 1852

Bruxelles, 29 juillet 1852, jeudi matin, 6 h. ½

Bonjour, mon cher petit bien aimé, bonjour je te souris, quoique j’aie le cœur bien gros de penser que je ne te verrai qu’une minute aujourd’hui, après t’avoir si peu vu hier. Je ne me suis couchée qu’à minuit dans l’espoir que tu pourrais peut-être te détacher de Charles mais ma patience n’a servi à rien et j’ai été forcée de renoncer à cette pauvre petite joie si longuement attendue et si ardemment désirée. Je ne t’en fais pas un reproche, mon bon petit homme, je me plains des circonstances et de la Providence qui t’éloignent de moi, quoi que je fasse pour m’en rapprocher. Les [Ybaud  ?] étaient venus pour te voir hier soir et s’en sont allés à 11 h. comme ils étaient venus, plus le désappointement. Mais j’étais moi-même trop occupée de ma déconvenue PRÉVUE pour songer à les plaindre. Ils doivent revenir vendredi, pensant que tu donneras quelques instants aux pauvres Luthereau qui sont assez tristes de ton oubli apparent. Ils ont été si bons et si obligeants pour nous jusqu’au dernier moment, que je serais vraiment très contrariée et très embarrassée si tu ne pouvais pas leur consacrer une partie de la dernière soirée que tu passeras à Bruxelles. Je ne parle pas de moi qui vais être si longtemps séparée de toi tout en te suivant des yeux et de l’âme. Mais le moyen que j’aie du courage jusqu’au moment où mes lèvres pourront se rapprocher des tiennes, ce serait de me donner quelques heures du bonheur d’être avec toi avant notre départ pour Jersey. Pauvre cher petit homme, je te le demande avec instance, avec prière et avec amour parce que je souffre déjà de la pensée de rester plusieurs jours sans te parler. Te voir sans pouvoir échanger un mot de tendresse avec toi, c’est le supplice de Tantale mourant de soif et de faim auprès de l’eau la plus fraîche et des fruits les plus appétissants. C’est tout à la fois ce qu’il y a de plus doux et de plus cruel. Aussi, je te supplie de me faire une petite provision de joie et de bonheur avant de partir pour que j’aie quelque chose à grignoter pendant le voyage.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16371, f. 195-196
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

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