Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1841 > Novembre > 30

30 novembre [1841], mardi matin, 11 h. ¾

Bonjour mon cher petit bien-aimé, bonjour mon amour chéri. Comment va ta chère petite tête, mon adoré ? Le remède a-t-il bien agi ? J’ai pensé à cela une partie de la nuit car j’ai eu une insomnie qui m’a empêchéea de dormir jusqu’à près de cinq heures du matin. Je ne me plains pas parce que je t’ai aimé tout le temps que j’aurais passé à dormir. Il y a une chose qui me contrarie, c’est que je ne puisse pas voir votre petit buste de mon lit, ou si peu que ce n’est qu’un regret de plus [1]. Pour me venger, je vais lui débarbouiller son petit nez tout à l’heure, nous verrons ce qu’il dira. En attendant, le sieur Jacquot réfléchitb sur son bâton en tenant sa tête dans sa griffe. Il fait si vilain et si noir que c’est à peine si je vois à t’écrire. Quel affreux temps. J’écrirai tout à l’heure à Mlle Hureau pour lui dire de m’envoyer sa [pétition  ?] par Claire samedi prochain [2].
Mais je voudrais savoir comment va ta tête, mais je voudrais te voir, mais je veux que tu m’aimes. M’aimes-tu ? Pourquoi n’es-tu pas venu ce matin ? Je sais bien que tu travailles mais ordinairement ce n’est pas un obstacle. Si vous saviez combien je vous aime, mon Toto, vous ne me refuseriez pas cette joie. Je ne veux pas vous grogner parce que vous êtes souffrant et fatigué, mais avouez que vous le méritez bien. Je vous pardonne encore pour cette fois-ci. Baisez-moi, aimez-moi et venez bien vite. J’ai aussi bien mal à la tête, moi, mais ça n’est pas dangereux. Jour Toto, jour mon petito, je vous ferai vos images bientôt [3], soyez tranquille. En attendant, je vous baise de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 161-162
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « empêché ».
b) « réfléchis ».


30 novembre [1841], mardi soir, 5 h. ¼

Je viens d’être mordue par l’affreux Jacquot d’une solide manière, après m’avoir fait des amitiés toute la journée. Décidément, cet animal est très féroce et très fantasque et il n’est pas sûr que je le garde. Je vous donne jusqu’à présent la PRÉFÉRENCE sur tous les points. Décidément, vous êtes plus aimable que lui.
J’ai fait le barbouillage convenu et bien vous en a pris de ne pas le faire hier à la lumière car on s’était trompé. On avait donné de l’huile noire et bourbeuse comme de la boue qui vous aurait sali votre jolie petite farimousse. Je l’ai remis à sa place sur son piédestal en laque et en satin. Il est encore plus gentil qu’hier parce qu’il n’est plus blanc. Sauf votre avis, je crois qu’il faudra lui remettre une seconde couche, cependant il est charmant comme cela. La petite Julie Besancenot est venue et vous a reconnu : « – voilà monsieura Doit [4]. Oh ! comme il est ressemblant. » Voilà le cri de l’innocence.
On dirait que c’est vous justement. Quel bonheur !!

8 h.

Avant de dîner je veux finir ma lettre, mon amour, par de bonnes paroles du cœur et de l’âme, par je t’aime. Il n’y a rien au-dessus de cela et tout ton génie qui élève et agrandit toutes les pensées les plus nobles et les plus sublimes ne peut rien ajouter à ce mot si simple sorti de mon cœur. Je t’aime. Je vais copier dès que j’aurai dîné. Je baise vos beaux cheveux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 163-164
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « monsieu ».

Notes

[1Juliette a fait fondre par Ferdinand Barbedienne un buste de Hugo qu’elle a reçu la veille. Dans sa transcription d’une lettre de novembre 1841, Jean-Marc Hovasse émet l’hypothèse qu’« il s’agit très vraisemblablement d’un buste en bronze, lauré ou non, par David d’Angers, fondu par F. Barbedienne. Certains laurés sont datés de 1842, d’autres, sans laurier, sont sans date ».

[2Le 25 novembre, la maîtresse d’école a demandé un service à Hugo par le biais de Juliette : sa « protection pour son beau-frère employé à la poste », en laissant « une note explicative de ses antécédents et des droits à la protection et à l’avancement ».

[3Le vendredi précédent, Juliette a promis à Hugo de lui faire des dessins.

[4Depuis 1839, Résisieux et sa sœur Julie appellent ainsi Victor Hugo, pour une raison inconnue (voir les lettres du 14 février 1839 et du 21 février 1839).

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne