22 juillet [1841], jeudi après-midi, 1 h. ½
Quoiqu’il soit toujours très doux et très charmant pour moi de vous avoir, mon petit bonhomme, je suis cependant vexée que vous ayez donné la préférence au jour de la médecine sur tous les autres jours où je suis saine [1]. Je vous vois en réalité si peu que je suis au désespoir quand je vous vois à puff [2], autrement dit à l’œil ou à sec. Cependant à tout prendre j’aime mieux vous voir et vous avoir comme ça que pas du tout et vous avez toujours très bien fait de venir, surtout si vous revenez demain. Mais j’y pense, c’est demain que sea juge votre procès, alors je ne vous verrai pas, que tard dans la journée. Tâchez au moins de le gagner, ce procès, ou donnez-moi les 23 F. de droit d’auteur avec lesquels je me ferai une bosse de bonnets [3].
En attendant voici une espèce de beau temps qui veut avoir l’air de se manifester. Si cela pouvait durer j’en serais bien aise pour vous, mon cher petit ver à soie frileux. J’espère aussi que vous me feriez prendre un peu l’air car j’en ai besoin. Toto je vous aime, mon Toto je vous adore. J’ai écrit hier à ma fille pour la prévenir du jour et de l’heure à laquelle Lanvin ira la chercher [4], en même temps je lui ai dit les bouquets que les écoliers vous avaient envoyés. Tant pire je n’ai pas pu me retenir, il faut absolument que je parle de vous à quelqu’un. Il m’arrive trop souvent de n’en parler qu’à moi-même mais c’est monotone, aussi dès que je peuxb fourrerc un mot sur vous quelque part je n’y manque pas.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16346, f. 77-78
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « ce ».
b) « peu ».
c) « fourrer ».