Paris, 26 juillet [18]79, samedi matin, 6 h.
Cher bien-aimé, je t’envoie mon bonjour toutes voiles dehors et toutea âme aussi. J’espère que tous les deux te trouveront clos et couvert dans ton lit et dormant à poings fermésb. Jusqu’à présent, ma porte n’est pas encore ouverte, je n’ai pas d’autres nouvelles du Sénat que cet avis de la questure venu hier soir : « Le Trésorier a l’honneur de prier MM. les Sénateurs de vouloir bien toucher leur indemnité et retirer leur écharpe de sénateur avant la séparation des chambres ». Je ne pense pas qu’il vienne d’autres nouvelles pour toi aujourd’hui de ce pays-là et tu pourras travailler tranquillement si tu ne veux pas t’ennuyerc à écrire des lettres, chose assommante.
Ce soir, invasion de Députés et de Députées : les Allain-Targé, les Floquet, le Sénateur Schœlcher , et le critique Edmond Texier, sans parler du vaillant Édouard Lockroy, et du formidable Victor Hugo, excusez du peu ! J’aurais presque envie, ces rares et précieux convives étant donnés, de faire servir du vin de champagne ce soir à dîner ? Qu’en dis-tu ? Il va sans dire que je ne tiens à ma proposition qu’autant qu’elled t’agréera à toi-même, autrement je m’en fiche absolument. Chose étonnante, il ne pleut pas, il fait même presque beau, c’est à n’y pas croire. Autre chose plus vraisemblable et tout à fait vraie c’est que je t’adore. Attrapée !
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 187
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette
a) « tout ».
b) « à poing fermé ».
c) « t’ennuier ».
d) « quelle ».
e) « attrappé ».