18 juin [1841], vendredi après-midi, 4 h.
Vous êtes deux fieffés scélérats, Toto 1er et Toto 2e [1], et nous sommes nous deux deux faibles femmes et deux victimes résignées Dédé et moi. Mais vous n’avez qu’à bien tenir vos NEZ du Diable si nous nous laissons attendrir sur vos pifsa, vilains brigands. Ça vous apprendra à nous mépriser quand vous croyez n’avoir plus besoin de nous. Taisez-vous scélérat, vous n’avez pas la parole, je ne vous écoute pas. Vous n’avez pas pensé à vous mettre de la pâte d’amande, hideux bonhomme, et moi je vous ai laisséb aller avec un rire SATANIQUE : ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! Coing coing, hou, hou COING. Que je vous attrapec encore à aller faire le joli cœur aux séances publiques de l’Acacadémie, vilain monstre, et vous ferez connaissanced avec mes griffes [2]. Je n’ai pas besoin, moi, d’exposer votre vertu pour les beaux yeux des vieilles toupies [3] de l’endroit. Faites-y bien attention car je ne vous marchanderai pas les giffes, les calottes et autres légumes CHESSES, PICARDET [4]. Tenez-vous pour avertie.
J’aurais bien voulu aller à Hernani ce soir [5] mais c’est peu probable vu l’état d’ourserie dans lequel vous vivez avec moi et avec vos pièces [6]. Je ne me mets pas en frais, sachant bien que ce serait inutilement et si vous venez par hasard me chercher vous me trouverez dans mon costume de robe blanche sale, prête à tout.
Pauvre enfant bien-aimé, quel bonheur que tu aies pu ôter cet atroce morceau d’ongle qui te déchirait l’œil. Quand on voit ce que c’est on ne comprend pas que tu aies eu le courage de souffrir si longtemps avec tant de douceur et de patience. Tu es mon pauvre sublime bien-aimé dont je baise les pieds. Jour Toto. Voici la pluie, prends garde de ne pas te laisser mouiller les pieds. Je t’aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16345, f. 263-264
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « piffes ».
b) « j’ai vous ai laissé ».
c) « attrappe ».
d) « connaissances ».
e) « avertie ».