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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 juin [1841], mercredi matin, 9 h. ½

Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour mon amour adoré. Comment vas-tu ce matin mon petit homme ? Es-tu moins contrarié et moins inquiet que cette nuit, mon Toto chéri ? J’espère que ta lettre au directeur de la poste aura déjoué toutes les mauvaises chances que ton enveloppe non cachetée avait [illis.] sur les autres lettres. Mais je ne peux pas m’habituer à te voir contrarié ou tourmenté, aussi, mon cher bien-aimé, je n’ai pas osé te parler de mon achat hier, j’aurais craint d’ajouter à tes ennuis ; et puis s’il faut l’avouer, je craignais que tu me grondassesa et je ne sais pas ce que je ferais pour m’épargner une marque de mécontentement de ta chère petite bouche adorée. Enfin voici le fait, j’aime autant te le dire par lettre, ce sera plus facile : j’ai acheté hier un éventail et je me suis permisb d’y mettre la somme de 10 F. avant de t’avoir consulté. Parmi tous ceux que j’avais à choisir, il n’y en avait pas de meilleur marché que 6 F. ou [5 ?] F. 10 sous et ils étaient ignobles et moins grands que celui que j’ai acheté. Or, j’ai cru qu’il valait mieux faire une dépense utile et en prendre un que je garderais toujours en souvenir de demain [1]. Si j’ai mal fait, c’est à bonne intention et je désire que tu ne sois pas fâché. D’ailleurs je suis à temps encore pour le rendre puisque c’est chez Lambin [2] et qu’il est pris à condition. Ainsi, mon adoré, si tu ne m’approuves pas je le rendrai tout de suite. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16345, f. 215-216
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « grondasse ».
b) « permise ».


2 juin [1841], mercredi soir, 9 h.

Je viens seulement de finir mes préparatifs et de dîner, mon amour. Je n’aurais pas pu t’écrire plus tôta mais j’ai toujours pensé à toi et je t’ai toujours aimé. Demain je serai éclairéeb a GIORNO [3] comme un bal de la RENAISSANCE, et tout ça en votre honneur et pour voir crever dans leurs peaux le Jay, les Jouy, les Étienne, les Droz et les Dupaty QUEL BONHEUR !!!!!!c Ia, ia monsire matame, il est son sarme. Mais je jouirai dans la mienne, de peau, de les voir eux, si lâchesd, si vieux et si bêtes, obligés de servir de comparses et de figurants à toi, si beau, si jeune et si sublime. Je voudrais déjà y être et il y fera chaud. Je me lèverai demain à quatre heures du matin, aussi je me coucherai à 11 h. Cela ne t’empêchera pas de venir, au contraire, mon amour. Mon repos c’est de te voir, ma vie c’est de t’aimer. Si je me couche de bonne heure ce soir ce sera en t’attendant mais je n’aurai pas envie de dormir et je serai la plus heureuse des femmes de te voir, de t’[ent]endre, de te caresser, de te baiser et de t’adorer toute la nuit si tu veux la passer dans mes bras. Je t’aime Toto, je t’adore mon bon petit homme. Je baise tes chers petits pieds divins. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16345, f. 217-218
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « plutôt ».
b) « éclairé ».
c) Il y a six points d’exclamation.
d) « lâche ».

Notes

[1La réception de Hugo à l’Académie française est prévue pour le lendemain, le 3 juin 1841. La séance est publique et Juliette doit y assister.

[2Juliette achète chez lui des objets aussi divers que l’élixir de Hugo, des peignes, des brosses, de la ganse ou des cordons de montre, et le qualifie de « marchand de pommade ».

[3Locution adverbiale italienne par laquelle on désigne, surtout dans le monde du spectacle, un éclairage très brillant et propre en quelque sorte à remplacer le jour. (Littré)

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