15 février [1841], lundi matin, 11 h. ¾
Vous êtes le plus aimé des hommes, mon Toto, et vous mériteriez d’en être le plus gascon pour toutes vos fanfaronnades… Vous êtes bien revenu cette nuit, n’est-ce pas ? Sans reproche, mon amour, vous êtes venu hier pour la seconde fois du mois vous reposer auprès de moi. N’est-ce pas une honte ? Pour ce mois d’anniversaire, cela n’est pas encourageant. J’espère, mon adoré, que vous y mettrez un peu du vôtre la nuit du 17 au 18 février [1] ? Je suis très superstitieuse, comme vous le savez, et je verrais avec un chagrin profond cet anniversaire oublié et tomber en désuétude comme toutes nos bonnes habitudes. J’aurais bien raison, n’est-ce pas mon bien-aimé, de m’affliger de toutes mes forces pour l’avenir de notre amour si tu oubliais de fêter dignement l’anniversaire de notre bonheur ? Je vous aime toujours comme le premier jour, moi. Je ne dis pas plus parce que je t’ai aimé dès le premier jour de toutes mes forces, de tout mon cœur et de toute mon âme et qu’il n’y a rien au-delà. Dans deux jours, mon adoré, il y aura huit ans que cet amour sans borne dure. Pour des cœurs ordinaires ce serait une raison de s’en lasser mais pour toi, mon noble et généreux homme, ça doit en être une de m’aimer davantage. J’y compte de tout mon cœur et j’attends avec impatience la nuit du 17 au 18.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16344, f. 145-146
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
[Souchon]
15 février [1841], lundi soir, 7 h. ¾
Je te remercie mon bon bien-aimé, de m’avoir fait faire cette petite promenade de ce soir, cela m’a fait du bien au corps et à l’âme. Merci, mille fois merci, mon adoré.
Je voudrais, mon cher petit homme, qu’auparavant d’arranger ma cheminée vous allassiez au plus pressé, qui serait de faire encadrer les trois portraits de vous qui traînent honteusement dans tous les coins depuis trois ans [2] sans pouvoir obtenir de votre générosité trois clousa et cinq pieds de bois doré carréb. Avant la cheminée vos portraits, avant la décoration le nécessaire, avant l’autel le Dieu. Je ne vous laisserai pas de cesse que vous ne m’ayez fait encadrerc vos trois chers petits portraits. J’ai trop attendu et vous en abusez, maintenant je ne veux plus attendre. Arrangez-vous comme vous voudrez mais il ne se clouera pas un clou chez moi si ce n’est pour vous PENDRE. Il ne se dépensera pas un sou de bric-à-bracd si ce n’est pour vous donner des bâtons dont vous avez grand besoin, copie et original. Maintenant, baisez-moi et n’oubliez pas que c’est dans deux jours que notre amour aura huit ans. Pour la fraîcheur et l’enthousiasme il n’a pas huit jours, pour la force et la profondeur il a plus de huit mille ans. Il va sans dire que je ne parle ici que de mes impressions, c’est à vous à dire ce que vous ressentez. Je t’aime, mon Toto bien-aimé, pense à moi et reviens bien vite auprès de moi.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16344, f. 147-148
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « cloux ».
b) « quarré ».
c) « encadré ».
d) « brique à brac ».