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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 août [1836], vendredi matin, 10 h.

Bonjour mon cher petit vagabond. J’espère que vous m’avez assez attrapée hier, je ne vous en veux pas de m’avoir fait dîner à neuf heures. Je vous pardonnerais même de ne pas m’avoir fait dîner du tout si vous étiez venu seulement cette nuit. Je pense mon cher bien-aimé que vous viendrez aujourd’hui. C’est pour cela que j’ai fait mettre le pot au feu.
Mon bon petit homme chéri je vais profiter de ce que tu n’es pas là ce matin pour raccommodera toutes sortes de choses à toi et à moi. Il commence déjà à faire frais. Je crains que notre traitement ne s’en ressente. Mais il ferait bien beau pour VOYAGER.
Je voudrais bien mon cher petit homme que vous demandassiez à B [1]. mon album, il me tarde de revoir les endroits où nous avons été si heureux. Je vous prie de le lui redemander tout de suite.
Vous devriez tâcher de venir déjeuner avec moi ce matin, mais vous êtes si geulard que vous aimez mieux le café campagnard que la tranche de gigot parisienne. Quand on aime bien on ne s’arrête pas à de si minces considérations, mais quand on aime peu tout devient raison pour ne pas voir la femme qui vous aime de tout son être.

J.

BnF, Mss, NAF 16327, f. 252-253
Transcription de Nicole Savy

a) « racommoder ».


19 août [1836], vendredi, 5 h. du soir

Mon cher petit homme je ne peux pas m’imaginer ce que vous pouvez avoir eu depuis tantôt pour avoir l’air de mauvaise humeur que vous aviez en me quittant. Je vous préviens que je suis très jalouse en ce moment-ci et très portée à m’inquiéter de tout. Aussi n’ayez pas d’air que vous ne pourriez pas m’expliquer car je suis capable de tout supposer.
Je vous aime mon petit Toto, Dieu sait que je vous aime de toutes mes forces et de toute mon âme. J’ai souvent beaucoup de chagrin en pensant à toute la fatigue que vous avez pour moi. Je donnerais 10 ans de ma vie pour être dès ce soir indépendante de vos veilles et de vos sacrifices. Je ne dis pas cela par ingratitude au contraire. Je suis heureuse et fière de tout ce que tu as fait pour moi, mais je voudrais que tu te reposasses à présent et que tu n’aies plus d’autre souci que de m’aimer autant que je t’aime. Pour cela il faudrait que tu consentes à me laisser m’engager dans un théâtre quelconque. Peut-être es-tu trop craintif à mon sujet. Je t’assure que j’ai quelque germe de talent. Je le sens bien au-dedans de moi. En attendant je t’aime.

J.

BNF, Mss, NAF 16327, f. 254-255
Transcription de Nicole Savy

Notes

[1C’est Célestin Nanteuil qui avait accompagné Victor et Juliette lors de leur voyage en Normandie, mais la lettre initiale l’exclut. On peut faire l’hypothèse que c’est à l’ami peintre Louis Boulanger que l’album a été prêté.

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