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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 octobre [1837], lundi matin, 9 h. ¼

Bonjour mon cher petit homme adoré, bonjour. Il n’y a pas encore un mois que je te le disais des lèvres et du cœur ce bonjour matinal. Depuis j’en suis réduite à l’expédient que voici : t’écrire pour te dire que je t’aime et que je n’ai de bonheur qu’en toi. C’est bien peu satisfaisant comparé à la vie que nous avons menée pendant 33 jours. Mais ça vaut toujours mieux que rien et je m’en donne matin et soir par-dessus les oreilles. J’ai envoyé la bonne ce matin savoir des nouvelles de Mme K [1]. Elle n’est pas encore revenue. Il fait beau aujourd’hui, il serait à désirer que je pusse aller faire enferrer les brodequins de Claire. Au reste tu décideras. Tout ce que tu fais est toujours bien. Tu es mon pauvre bien-aimé, toi. Avec quel courage tu m’as quittée cette nuit pour aller travailler. Vraiment, tu es un homme admirable et qu’il faut aimer à genoux. C’est comme ça que je t’aime. Quand je te verrai mon bien-aimé, je t’inonderai de caresses car elles débordent de mon cœur et mes lèvres, et si c’était chose palpable, le papier en serait couvert. Je t’aime tant que c’est une chose inutile et impossible à dire car rien ne pourrait t’en donner une idée. Viens vite, j’ai tant besoin de te voir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 253-254
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein
[Souchon, Massin]


9 octobre [1837], lundi soir, 6 h. ¼

Mon Toto je t’aime, mon Toto je t’adore. Je suis triste de ne pas te voir, il n’y a pas beaucoup de mal à ça. Il ne faut donc pas m’en vouloir. Je viens de lire un petit opuscule à propos des Voix intérieures qui m’a un peu rafraîchia le sang. L’auteur est un brave jeune homme. Jeune, j’aime à le croire. Les N [2] –, les Ste-B [3] –, les P [4] – vont enrager dans leur peau, ce sera très bien fait [pour eux  ?] et ce n’est pas encore autant qu’ils le méritent. Mais qu’ils prennent patience, ils ne perdront rien pour attendre. Et voici pour commencer un petit échantillon de l’opinion intelligente et honnête qui se fait sentir et qui présage une fameuse réaction dont les gourmades [5] tomberont en plein sur leur vilainb nez.
Je voudrais bien mon Toto que vous fussiez aujourd’hui dans votre lune de jalousie. J’aurais l’espoir de vous voir, tandis qu’à présent je ne fais plus que vous désirer de toutes mes forces sans croire à votre prochain retour. Je te plains mon beau garçon d’avoir mal à la tête. Je compatis d’autant plus à ton mal que j’en ai un moi-même qui me rend très malheureuse. Soir pa, soir man. Avant de risquer le lavage de la robe de foulard [6], qu’on s’en informe mieux car je crois me rappeler que mon procédé est pour les étoffes de laine et de cachemire. Dans tous les cas, Turlot [7] est toujours là pour parer à tous les événements.
Je t’aime mon Victor. Tout mon moi c’est de l’amour pour toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 255-256
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « raffraîchi ».
b). « leurs vilains ».

Notes

[1Mme Krafft.

[2Le nom qui se cache sous cette initiale reste à élucider.

[4L’initiale renvoie probablement à Gustave Planche.

[5Terme familier pour « coups de poing ».

[6Nom d’un taffetas des Indes orientales, imprimé en diverses nuances (Littré).

[7C’est le nom d’un teinturier, attesté dans l’Annuaire général du commerce et de l’industrie où l’on trouve une Mme Turlot, spécialisée dans le nettoyage de soieries, au no 10, passage Violet, ainsi qu’un Turlot fils, dégraisseur de châles et soieries, au no 11, Grange-Batelière.

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