28 mai [1849], lundi matin, 7 h.
Bonjour, mon Toto, bonjour, mon cher amour, bonjour sur tes beaux yeux endormis et sur tes lèvres roses, bonjour. Je ne te demande pas à quelle heure tu es rentré cette nuit parce que cela ne m’apprendrait pas grand chose. Ce que je te demanderai consciencieusement, c’est si tu as pensé à moi et si tu m’as été bien fidèle de cœur, de corps, de pensée et d’âme ? En attendant que tu me répondes, je veux croire que tu as été le plus honnête des Toto et le plus fidèle des amoureux. J’espère que, s’il y a des vacances pour l’appropriation de la salle à l’assemblée législative [1], tu en profiteras pour me donner au moins une culotte des deux que tu me dois ? S’il en était autrement, je serais fondée à croire que tu es le plus trompeur des hommes et le plus infâme des Toto. Mais je ne veux pas anticiper par ces tristes suppositions sur l’opinion que je dois avoir de toi. Je t’attends au moment définitif qui peut être très prochain. Jusque-là je veux te croire un bon petit Toto bien loyal et bien tendre, et t’aimer à pleins bords sans aucune arrière-pensée. Eh ! bien, mon amour, vous êtes-vous bien amusé à la tragédie hier ? Vous me direz cela tantôt. Tâchez que ce ne soit pas dans trop longtemps, parce que je sens déjà que la journée me pèse. Pour l’alléger un peu, je vous baise depuis la tête jusqu’aux pieds.
Juliette
MVHP, MS a8214
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine