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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 mai 1849

22 mai [1849], mardi matin, 8 h.

Bonjour, mon charmant, mon doux, mon ineffable adoré, bonjour. Comment vas-tu ce matin ? Je me tourmente à la pensée de savoir qu’il faut que tu assistes tout à l’heure à l’enterrement de cette pauvre Mme Dorval [1] et cependant je sens que tu ne peux pas faire autrement. Sois prudent, mon amour adoré, et ne te laisse pas perdre par quelque refroidissement. Tâche d’être le moins longtemps possible la tête nue et les pieds dans l’humidité. Je te le recommande plus que ma vie même à laquelle je ne tiens que par ton amour. Quant à moi, mon petit homme, je crois que je suis prise à mon tour par une espèce de cholérine [2] à moins que ce ne soit autre chose. J’ai le cœur barbouillé, de la courbature et quelques petites coliques. Du reste, je ne songerais pas à le remarquer si l’attention n’était forcément attirée par l’épidémie régnante. Il m’est arrivé cent fois de souffrir davantage sans songer à le remarquer. Ce que je t’en dis n’est que pour te forcer à me plaindre et me dorloter. D’ailleurs tu sais que c’est dans mes habitudes de t’imiter en toutes choses aussi n’y ai-je pas manqué encore cette fois-ci. Seulement je me flatte de perfectionner ce que tu ne fais qu’ébaucher, c’est pour cela que j’ajoute à tous ces symptômes le mal de tête le plus hideux qui puisse se loger sous une calotte de Juju. C’est à peine si je peux t’écrire. Cependant je t’aime à bras tendus et cœur idem. Je sens que je te baiserais vingt-quatre heures de suite sans reprendre haleine.

Juliette

Vente, étude Thierry de Maigret, Th. Bodin expert, Drouot, 13 décembre 2019, n° 345.
Transcription d’Evelyn Blewer


22 mai [1849], mardi après-midi, 3 h.

Il faut que je sois bien patraque, mon bien-aimé, pour avoir résisté au désir de t’accompagner [3] mais c’est qu’en effet je ne me sens pas bien. Peut-être cela tient-il à ce vilain temps ? mais ce qui est certain c’est que je souffre de partout et beaucoup. Cependant ne va pas t’inquiéter […]a [Je m’en veux presque maintenant d’avoir sacrifié mon cœur à mon ventre. Une autre fois je ne ferai pas de ces stupides concessions-là et il s’en tirera comme il pourra et ces borborygmes aussi. Tiens qu’est-ce qu’ils me veulent donc ceux-là ?] Quand je vous dis qu’il n’y a pas plus de petits boyaux. Voici les miens qui veulent faire autant de bruit que les vôtres, les ambitieux. Voulez-vous bien vous taire tout de suite, je n’aime pas les maux si tapageurs que ça. Taisez-vous, qu’on vous dit à la fin. Voime, voime. Taisez-vous car je n’aime pas les cancans de quelque part qu’ils viennent. Mon Toto bien aimé, mon ravissant petit homme, je ne suis pas malade, je t’aime trop, voilà tout. Le reste c’est pure imitation et pour faire comme les grands boyaux. Je t’aime envers et contre tout.

Juliette

Collection particulière
Transcription partielle de Florence Naugrette

a) Les pages 2 et 3 manquent sur l’annonce de la vente privée de cette lettre dont l’original n’a pu être consulté.

Notes

[1Marie Dorval était morte de chagrin après la mort de son petit-fils. Elle est enterrée au cimetière Montparnasse.

[2Cholérine : Violente diarrhée, symptomatique du choléra.

[3Hugo se rend aux obsèques de Marie Dorval, morte l’avant-veille. La cérémonie a lieu en l’église Saint Thomas d’Aquin, et l’enterrement au cimetière Montparnasse.

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