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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 18 juillet [18]63, samedi matin, 6 h. ¾

Bonjour, ma joie, bonjour, mon tout adoré, bonjour. Nous étions levés à la même heure ce matin comme si nous avions dormi côte à côte et sous le même drap, ce qui est gentil pour le cœur et pour les yeux. Hélas ! dans peu il ne me sera plus possible d’avoir ce bonheur matinal quotidien et il faudra que j’attende jusqu’à l’heure où tu sors pour la première fois dans le jour pour savoir comment tu vas et si tu as bien dormi. Quand je pense à cela je suis triste et découragée jusqu’au fond de l’âme et je trouve que j’ai eu un grand tort de sacrifier mon bonheur de tous les instants aux exigences peut-être très peu fondées de ma santé. J’ai besoin de croire en ta bonne promesse de venir plus souvent et de travailler chez moi toujours pour reprendre confiance et courage. N’est-ce pas, mon cher bien-aimé, j’ai raison de croire en ta promesse, c’est-à-dire en ton amour, et que tu tâcheras de me rendre en assiduité ce que je vais perdre en voisinage. Si cela est, comme je l’espère, je secoue la poussière de tous mes fouillis et je te souris du milieu de mes décombres [1]. Suzanne a déjà recommencé sa bacchanalea d’appropriement et moi je me suis remise à ma chère petite RESTITUS à la place accoutumée sur la petite table et sous les yeux de mes poulets. J’espère que nous aurons tout débrouillé d’ici à demain mais cela ne me console pas de ma soirée perdue et de mon festival renversé. J’ai beau me dire qu’il était impossible de faire faire à dîner aujourd’hui, cela ne m’enlève pas un seul regret, au contraire, et je n’en suis pas moins désappointée. Je voudrais être déjà à mardi pour rattraper samedi qui s’attrape mais ne se rattrapeb jamais. Ce margouillis de phrase ressemble à ce qui m’entoure : il est impossible d’y rien reconnaître, sinon que je bisque, que je rage, que je ne manque pas de fromage et que je t’aime comme un chien. Voilà le plus clair de ma situation et de mon cœur. C’est à toi de t’en tirer comme tu pourras.

J.

BnF, Mss, NAF 16384, f. 190
Transcription de Gérard Pouchain

a) « son bachanal ».
b) « rattrapper », « rattrappe ».

Notes

[1Le même jour, Victor Hugo note dans son Agenda : « La démolition de l’ameublement de Mme D. et le transport à la nouvelle maison ont été achevés aujourd’hui (on continue l’arrangement de la nouvelle maison qu’elle n’habitera qu’en octobre). »

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