Guernesey, 18 octobre [18]67, vendredi matin, 7 h. ½
Déjà levé, mon infatigable piocheur, et après une good nuit, je l’espère ? Moi aussi j’ai très bien dormi cette nuit et je me sens tout en train ce matin en pensant que tu m’aimes et que je t’adore.
La pluie tombe toute droite en ce moment, éclairée par le soleil, ce qui donne à mon jardinet un petit air joyeux et mélancolique tout à la fois qui n’est pas sans charme. Dès que ma maison sera remise sur ses pattes et que nous aurons remmaillé nos douces habitudes du soir, je te prierai de nous faire faire la promenade sacrée autour de notre chère petite île. Pour cela, il me faut trouver une servarde possible. Jusqu’à présent, rien ne paraît à l’horizon de ma sœur Anne [1]. Il faut croire qu’elles sont toutes plus ou moins escoffiées [2] par les barbes bleues, noires et rousses de ce charmant pays. En désespoir de cause, je vais m’adresser à la mère d’Elisabeth qui saura peut-être m’en déterrer une. En attendant, je fais petit à petit le plus délicat de la besogne et j’espère en venir à bout avant même l’exécution du fourneau de Suzanne, la pièce fondamentale et indispensable de la maison, EXCUSEZ DU PEU. Je vous adore.
BnF, Mss, NAF 16388, f. 251
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette