Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1855 > Juin > 8

8 juin 1855

Jersey, 8 juin 1855, après-midi, 3 h.

J’ai l’oreille basse, mon cher petit homme, car je ne vous ai pas vu et Saint-Médard a montré le bout de sa gouttière bien des fois déjà depuis ce matin [1]. De tout quoi, j’ai repris mon petit train-train de migraine, ce qui ne me fait pas rire, tant s’en faut. J’espère pourtant que je reprendrai le dessus, pour le moment du dîner. A propos, vous saurez qu’il n’y a pas eu le moindre beurre Charrassin au grand désappointement de Suzarde et un peu au mien aussi. En revanche, j’ai eu une lettre SIAMOISE DE CELESTE FÉAU et de la bonne mère Triger, laquelle me recommande de dire à Suzanne d’embrasser bien tendrement Fouyou pour elle et... M. Victor Hugo aussi. Cette assimilation de tendresse de la part de la mère Triger ne doit pas choquer Fouyou pour peu qu’il soit de votre école religieuse et qu’il admette qu’avant d’être un homme de plume, vous avez été un Fouyou à poil et pas chat comme lui. C’est ce dont il faudra s’assurer avant de lui transmettre la caresse accouplée de la trop sensible mère Triger. En attendant, je pille et je gaspille cyniquement mon brave Charlot [2]… Eh ! mon Dieu, je crois que c’est plutôt le citoyen Rib [3] que je dévalise de ses siamois. Du reste c’est le communisme pratiqué à vif et je ne vois pas ce qu’il aurait à dire, surtout dans une île… entourée d’eau à ce qu’assure l’archiDieu frère Leroux [4] et je le crois sur sa sacrée parole. Je ne sais pas si vous reconnaîtrez dans ce coq-à-l’âne informe le plus tendre de mes poulets et le plus stupide de mes restitus, avec laquelle j’ai l’honneur de vous donner mon cœur et mon âme à plat ventre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16376, f. 341-342
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa

Notes

[1Locution proverbiale : « Quand il pleut à la Saint-Médard, il pleut quarante jour plus tard ».

[2On ne comprend pas l’allusion. Charlot est souvent le diminutif qu’elle utilise pour désigner Charles Hugo.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne