Samedi soir, 11 h.a [1]
Voici 11 h. qui sonnent. Je n’ai pas la moindre humeur de ton inexactitude, mais je suis fort triste de ton absence. Puisque tu as préféré rester loin de moi, puisque tu n’as pas senti le besoin de me voir, et que tu as pensé que je n’avais pas besoin de prendre un peu l’air, je m’en rapporte tout à fait à ta raison et à ta sollicitude, et je me soumets sans mot dire. Je vais aller me coucher. Si tu viens, tu me trouveras bonne et résignée. Si tu ne viens pas, j’aurai un redoublement de tristesse et d’amour mais qui ne te gêneront pas, ni l’un ni l’autre. Au surplus, tu vois que ce que tu gagnes en liberté en ne venant pas, tu le perdsb en patience, car chacun de tes retards est une lettre de plus. Bonsoir mon cher Toto, je ne t’en veux pas, je t’aime.
Juliette
Gênée et malheureuse d’être obligée de chercher dans moi autre chose que ce qui y est : l’amour !
Je m’aperçoisc bien aussi que j’ai réussi à faire la lettre la plus bête, la plus stupide et la plus ridicule que j’aie jamais écrite. Tout cela parce que mon amour ne te suffitd plus, parce qu’il te faut autre chose qu’une femme qui t’aime.
Je n’ai rien à ajouter aux deux gribouillages qui sont au-dessus de ces lignese. Elles te diront mieux que moi dans quelle gêne je suis en ce moment pour te parler. Les mots doux et tendres ne me viennent plus aussi vite qu’hier parce que tu les a scellés sur mes lèvres et dans mon cœur avec un mot. Et pourtant, je t’aime et je te comprends.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16323, f. 52-53
Transcription de Jeanne Stranart et Véronique Cantos assistées de Florence Naugrette
a) « 2 » est ajouté en haut de la troisième page de la lettre qui se compose de quatre pages. Il se peut que Juliette, ou une autre personne, ait annoté la lettre.
b) « pers ».
c) « apperçois ».
d) « suffis ».
e) En effet, les deux lignes au-dessus sont raturées.