Guernesey, 21 décembre 1862, dimanche soir, 4 h. ½
Cher bien-aimé, je te gribouille ma restitus avec le petit reste de jour qu’il y a encore sous le ciel ; mais mon lit est fait car il m’est plus facile de t’aimer les yeux fermés que d’ajuster mes draps à tâtons. Comment va ta gorge ce soir ? Le mieux s’est-il soutenu ? As-tu pu faire un peu d’exercice au soleil ? Enfin, mon pauvre adoré, as-tu trouvé moyen d’atténuer la chose triste qui t’occupe depuis hier ? Tu me diras tout cela bientôt, je l’espère. En attendant, mon grand doux bien-aimé, je t’aime du plus profond de mon âme. Tout est prêt pour la lecture de ce soir. Tu me diras s’il faut que je descende un fauteuil de là-haut pour Mme Chenay. Je l’aurais fait descendre tout de suite si la salle à manger n’était pas déjà si encombrée. J’attends pour prendre un parti que tu me dises toi-même celui qu’il faut prendre. Du reste tout est prêt, même le verre d’eau traditionnel. Demain je complèterai ce rafraîchissement sommaire par quelques oranges. Je veux que rien ne manque à ta petite lectrice du moins en ce qui concerne mon buffet, Dieu veuille qu’elle n’ait jamais de besoin plus important que celui-là. Mon bien-aimé, je me hâte de te baiser de toutes mes forces et à [l’azar ? l’azur ?] [1] de mon cœur.
J.
BNF, Mss, NAF 16383, f. 276
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa