Guernesey, 6 novembre 1862, jeudi matin, 7 h. ½
Bonjour, mon adoré bien-aimé, bonjour à toi et salut à ton gilet rouge que j’entrevois de dos en ce moment-ci. À la manière dont il s’agite j’espère que tu as passé une meilleure nuit que la mienne quoique tu te sois couché très tard. Je ne veux pas dire que ce soit la raison qui m’ait empêché de dormir, car j’ignore à quelle heure tu es rentré chez toi et je m’étais résignée d’avance à ne pas te revoir de la soirée. Je me suis couchée à 11 h. juste, le cœur plein de toi et l’âme débordant de tendresse. Je n’ai pas dormi parce que je n’arrivais pas à dormir, ce qui m’arrive assez souvent. Maintenant, mon cher petit homme, si tu te portes bien, si tu es content de ton festival et si ta conscience ne te reproche rien, tout est bien et je suis trop heureuse. Il paraît que c’était hier le Guy Fawkesa [1] car j’ai entendu des vacarmes de pétards toute la soirée et des détonations de chants à déchirer l’oreille la plus coriace. Je n’ai pas vu le plus mince Kesler, ce dont je ne me plains pas, au contraire, et j’ai lu presque tous les journaux que tu m’avais apportés. Voilà le récit de ma soirée, j’attends le vôtre pour les comparer. En attendant, je vous aime de confiance et je vous baise sans hésiter.
BNF, Mss, NAF 16383, f. 232
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa
a) Guy Foxe.