12 octobre 1862

Guernesey, 12 octobre 1862, dimanche soir, 4 h. ¼

Hélas, mon cher petit homme, voici notre promenade tout à fait à vau-l’eau pour aujourd’hui et je le regrette pour ta santé qui a tant besoin d’exercice et pour mon cœur qui a tant besoin de te voir. Je le regrette d’autant plus qu’il est très probable que tu ne sortiras pas de chez toi par cette horrible pluie, si ce n’est peut-être pour baigner tes chers yeux. Je devrais même le désirer dans l’intérêt de ta santé, mais mon courage ne va pas plus loin que la résignation. Cher adoré, ménage-toi, pense à moi, regrette-moi un peu et aime-moi beaucoup. Je te souris et je t’adore. Je n’avais pas encore pu jusqu’à présent te gribouiller ma restitus du matin, mais l’heure importe peu car je t’aime toujours plus, jamais moins, quel que soit le moment de la journée ou de la nuit. Il n’y a que moi qui me plaigne des retards parce que tant que je n’ai pas fait gigoter mes pattes de mouche sur le papier mon cœur n’est pas content.

BNF, Mss, NAF 16383, f. 208
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa