28 septembre 1862

Guernesey, 28 septembre 1862, dimanche matin, 8 h.

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, paix et bonheur à toi et à tous ceux que tu aimes. J’espère que tu as passé une aussi bonne nuit que la mienne ? je le désire de tout mon cœur et de toute mon âme. J’espère encore que tu as pris le meilleur parti pour te délivrer des calomnies vénimeuses qui te harcèlent, celui d’en rire avec ceux mêmes qui les font. Ce moyen étant trouvé et appliqué, il n’y a plus à s’en préoccuper maintenant et ta vie va rentrer dans son calme laborieux sans efforts douloureux, ce dont je suis bien heureuse pour ma part, surtout si cette tranquillité s’étend à toute ta famille du même coup et par le même moyen. Quant à moi, je n’ai pas d’autres soucis que les tiens, d’autres tristesses que les tiennes. Si tu es joyeux je souris, si tu m’aimes je suis heureuse, voilà toute ma vie intérieure et extérieure et je t’adore. Il y a aujourd’hui deux mois que nous partions pour ce voyage [1] d’où tu as rapporté tant d’honneurs, tant d’hommages, tant d’acclamations d’admiration, de respect, de vénération, d’enthousiasme, d’adoration et de délire de tous ceux qui t’ont vu, approché et entendu. Jamais empereur couronné n’a eu un triomphe pareil au tien, mais aussi jamais nul n’a porté comme toi la tiare du génie, de la vertu civique et du dévouement humanitaire. Ces mots ne sont pas justement ceux qui conviennent mais tu y suppléras pour moi. Je t’aime.

BNF, Mss, NAF 16383, f. 195
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa
[Souchon]