21 mars 1862

Guernesey, 21 mars 1862, vendredi matin, 8 h.

Bonjour, mon grand bien-aimé, bonjour à torrents, bonjour. Je t’aime, que le diable emporte la pluie, c’est châle et châtient de la plâche. Du reste, je voudrais bien savoir, mon cher petit Gribouille, comment vous faites pour vous sécher au milieu de toutes ces eaux, celle du bon Dieu et celle de votre baquet ? Rien que d’y penser j’en ai la chair de carpe. Après ça, vous êtes un si grand magicien qu’il vous est facile de changer vos ailes en nageoires, mais pour moi, simple Juju, je me sens noyée rien qu’à regarder le ciel. J’espère que vous n’en aurez pas passé une moins bonne nuit et qu’il n’y aura eu aucune cataracte ni aucune chute d’eau dans votre dodo cette nuit ? En attendant que je connaisse le bulletin de votre chère petite santé, je vous fiche le mien qui est excellent d’un bout à l’autre. Je dors comme un loir, je mange comme un loup, je me porte comme un rhinocéros, je vous aime comme un chien et je vous adore comme un lion. Voilà mon histoire… naturelle et sans rien dissimuler. Sur ce je vous baise averse et je vous jette toutes mes tendresses à la nage.

BnF, Mss, NAF 16383, f. 71
Transcription de Marie Legret assistée de Florence Naugrette