Paris, 27 avril 1882, jeudi matin, 8 h.
Cher bien-aimé, je ne t’ai pas entendu une seule fois dans la nuit et tu dormais profondément ce matin quand je t’ai embrassé après avoir ouvert ta porte. J’espère que tout cela est l’indice d’une bonne nuit, et qui, je l’espère, encore, sera suivie d’une heureuse journée puisque c’est aujourd’hui que tu reprends possession de tes enfants [1]. Toutes ces aimables raisons me remplissent déjà le cœur de joie et me ragaillardissent les moelles et l’âme. Vraiment, je me sens très bien ce matin. Le Ministre des Postes et Télégraphes te donne avis qu’il a accordé ce que tu lui demandais pour Mlle Nicot, une de tes nombreuses protégées. Talmeyra [2] m’écrit une bonne lettre pour me prier de te dire que s’il n’est pas venu te voir c’est à son cœur défendant parce qu’il est surmené par les travaux quotidiens de L’Intransigeant [3] mais, si tu le permets, il viendra t’apporter tous ses regrets et mettre à tes pieds tous ses hommages dès qu’il pourra se dégager de son travail. Des autres lettres, je ne t’en parle pas. Ce sont celles qu’on reçoit tous les jours : demandesb de secours ou d’emprunts, vers et prose, le plus souvent sans rime ni raison. Tel est le bilan de ton courrier ce matin. Et Mme Chenay ??? [4] C’est aujourd’hui le 27 avril. Penses-y et pense aussi, et surtout, à m’aimer fin courant de l’Éternité. J’y compte comme sur le bon Dieu lui-même que j’adore en ta personne.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 66
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
a) « Talmeir ».
b) « demande ».