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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 mars [1839], samedi soir, 9 h.

Je pense à toi toujours, mon adoré, et toujours avec amour. Je voudrais savoir où tu es pour que ma pensée et mon âme aillent sans se tromper te trouver. Quelle charmante lettre tu as écritea à cette pauvre veuve [1]. Comme c’est bien toi, et comme c’est admirablement bon. Je suis sûre que la pauvre femme te bénira du fond de l’âme pour ta généreuse et consolante lettre. Oh tu es bien vraiment le plus admirable des hommes. J’ai trouvé Mme Pierceau prête à dîner et mieux portante que l’autre jour. Quantb à moi, je continue à souffrir beaucoup de mon pauvre ventre. Plus je vais et plus je souffre. Je ne sais pas trop comment je me tirerai de là. Il paraît que Mlle Rachel et tous les [illis.] ont passéc une triste soirée l’autre soir. J’ai vu cela à la manière dont on en a parlé et moi j’ai eu la charité d’en être très contente. Voilà comme je suis, c’est bien fait, je suis méchante, tant mieux. J’ai fait venir l’eau à la bouche de la mère Pierceau en lui racontant notre souper, notre promenade et notre déjeuner. C’est qu’aussi c’était bien bon et bien doux. C’est dommage que ce soit si rare, cependant je reconnais que c’était ravissant et j’espère que tu seras un peu plus prodigue de notre bonheur. Va, eussions-nous l’éternité à notre dispositiond nous n’épuiserions pas notre amour, le MIEN du moins. Et ne crois pas que j’exagère quand je te dis cela. Je sens que je t’aime sans fin. Je t’aime, je t’adore de toute mon âme comme on dit que les anges aiment Dieu. Tâche de venir très tôt, mon bien-aimé, pour que je te le prouve autrement que par des mots.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 217-218
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « écrit ».
b) « quand ».
c) « passés ».
d) « disposion ».


2 mars [1839], samedi soir, 9 h. ¼

Vous voyez, mon cher adoré, que je suis bête mais honnête et que je vous donne votre compte bien fidèlement. Ça ne m’est pas bien difficile parce que, si je m’en croyais, je vous écrirais depuis le matin jusqu’au soir excepté quand vous êtes là. Si vous n’avez pas trop faim et si vous n’êtes pas trop fatigué, nous reviendrons à pied. J’ai une envie atroce de me promener avec vous ce soir au clair de lune et si vous n’êtes pas pressé d’arriver comme un gouliaffea nous nous en irons bras dessus bras dessous. Je t’aime. Pensez-vous à moi ? M’aimez-vous ? Vous ne répondez pas, vieux sournois. Vous espérez peut-être me faire prendre le change avec ce vieux dicton usé : qui ne dit mot consent. Et puis vous ne mentez pas et c’est autant de sauvé pour votre conscience. Mais moi je ne m’arrange pas de toutes ces basses raisons-là. Il me faut de l’amour depuis les pieds jusqu’à la tête. Faites donc tous vos efforts pour m’en donner car je le mérite autant que j’en ai besoin.
Soir papa. Il est bien i. Quand m’apporterez-vous mon RÉGNIER ? Vous devriez être honteux de me laisser lire ce stupide livre qui n’est pas fait pour des yeux, encore moins pour des espèces d’intelligence comme pourrait l’être la mienne.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 219-220
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « gouiaffe ».

Notes

[1Le comédien Saint-Firmin, qui avait créé le rôle de Don César de Bazan dans Ruy Blas, est mort le 27 février 1839.

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