Guernesey, 14 mars [18]63, samedi, midi ½
Ne t’inquiète pas, mon cher bien-aimé, de mon malaise momentanéa car j’espère que la joie de notre festival m’aura guérie d’ici à ce soir. D’ailleurs, mon pauvre petit homme, il faut bien que tu t’habituesb peu à peu à me voir [cacochymer ?] et devenir de plus en plus podagre et cul-de-jatte. Il y a longtemps hélas ! que je sens les infirmités de la vieillesse m’envahir. Tous mes efforts tendent à te le cacher le plus possible et je n’y réussis pas comme tu vois. C’est là ce qui m’avait fait désirer d’avoir auprès de moi quelqu’un qui pût m’aider à masquer ma décadence trop rapide mais je n’y ai pas réussi davantage ; car le silence persistant et peu obligeant de ma cousine est plus significatif qu’un : NON en toutes lettres. Je ne m’en étonne pas autrement mais je m’en inquiète et je m’en afflige pour toi sur qui je retomberai de tout mon poids. Il n’y a rien à faire contre cela et tous les Corbins du monde n’y peuvent rien et il n’y a que ton amour sur lequel je compte pour me tenir en équilibre. Mon âme s’y cramponne de toutes ses forces et ne le lâchera qu’à bon escient, tu peux y compter. En attendant je t’adore de toutes mes forces.
BnF, Mss, NAF, 16384, f. 69
Transcription de Chantal Brière
a) « momentanée ».
b) « tu t’habitue ».