Guernesey, 27 mai [18]63, mercredi, 3 h. après midi
Au moment où JE METS LA MAIN À LA PLUME pour te bâcler ma restitus, un essaim épais et bourdonnant de mouches à miel envahit mon jardin et tourbillonne jusqu’à ma fenêtre ouverte mais sans entrer. C’est toute une ruche vagabonde, probablement de chez Mellisch, qui se rue dans mon petit jardinet dans une intention visible de maraudage, mais, où il n’y a rien, la reine-abeille perd ses droits [1] absolument comme le roi de Prusse. Du reste les voilà qui abandonnenta déjà la partie, cela n’a pas été long, comme tu vois ; il n’en estb pas de même, hélas ! de mes tribulations domestiques dont je ne suis pas encore sortie quoique je n’aie pas perdu une minute depuis que je suis sortie de mon lit jusqu’à présent. Je crains bien de n’être pas prête à quatre heures et surtout d’être trop fatiguée pour faire notre charmante petite promenade habituelle. Cependant je n’y renonce pas encore tant le bonheur d’être avec toi me donne du cœur au ventre. Donc je vais M’ÉPÊCHER de plus belle pour tâcher d’être prête à l’heure. En attendant je t’aime L’AMOUR AUX DENTS. De votre côté, mon cher petit homme, pensez à moi et aimez-moi et tâchez de trouver un moyen d’empêcher ces deux PROFESSORS OF FRENCH [2] de se dévorer et surtout de troubler mes pauvres petits festivauxc comme ils le font trop souvent.
BnF, Mss, NAF, 16384, f. 139
Transcription de Chantal Brière
a) « abandonne ».
b) « n’est ».
c) faute volontaire ou non ?