Guernesey, 8 avril [18]63, mercredi, 3 h. ¼ après midi
Car que faire en un gîte à moins que l’on aime son Toto [1] et qu’on le lui dise ? Cet emploi de son cœur et de son temps me paraissant le meilleur en ce monde, je m’y applique chaque jour davantage et je crois que j’y réussis assez bien. De votre côté, mon cher petit homme, vous vous contentez d’entasser chef-d’œuvre sur chef-d’œuvre et le Pélion sublime sur l’Ossa [2] divin sans en être plus essoufflé que si vous aviez remué deux ou trois âneries académiques, telle est votre force. Mais il faudrait m’aimer un peu par-dessus le marché, est-ce trop exiger ? Vous me direz cela en toute franchise tantôt. Jusque là, je me permets d’espérer et d’être aussi heureuse que si j’en étais tout à fait sûre, pauvre adoré, voilà un temps qui t’empêchera de faire ta promenade hygiénique aujourd’hui ; il est vrai que tu te consoles en pensant aux fleurs et aux fruits que chaque goutte de pluie donne à la terre et tu vois le sourire de Dieu jusque dans ses larmes. Moi je ne vois que toi, ta santé, ton amour et je t’aime, et je te bénis et je t’adore.
BnF, Mss, NAF, 16384, f. 90
Transcription de Chantal Brière
[Guimbaud, Massin]