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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 20 novembre [18]64, dimanche matin, 7 h. ½

Toujours et de plus en plus matinal, mon cher bien-aimé, si ça n’est pas aux dépens de ton sommeil et de ton bien-être, c’est bien et je t’en félicite de tout mon cœur. Autrement, je te blâmerais et je te ficherais des coups pour te forcer à dormir la grasse matinée. Quant à moi, après m’être assurée que ton cher petit signal était à son poste, je suis venue me remettre au lit juste le temps qu’Elisabeth ôte son lit et aère le cabinet de toilette pendant que je ronronne ma restitus. Je crois que le beau temps que nous avons ce matin ne sera qu’un déjeuner de soleil et que le reste de la journée se passera en ondées alternées d’averses, comme tous ces jours derniers. Je le sens à une sorte d’agitation nerveuse qui, sans me faire souffrir positivement, m’a causé une insomnie de quatre heures cette nuit. J’attribue cela à l’état orageux et pluvieux de l’atmosphère et je ne m’en porte pas plus mal. Attrapéa ! À ce propos, m’aimez-vous ? Si oui, il faut m’aimer encore, il faut m’aimer de surplus de mes VINGT-TROIS SOUS de perte hier à cause du fameux proverbe : malheureux au jeu, heureux en amour. J’espère que vous êtes en fondsb pour me payer mon déficit et je passe immédiatement à votre caisse en vous sommant de me baiser à vue. Ce n’est qu’à cette condition que je consens à me laisser plumer au vif tous les soirs par vous. En attendant je regarde fuir mélancoliquement mes sous à l’horizon pendant que la grenouille de Kesler se gonfle de mes liards et que le piffe de Marquand cascade des soupirs non interrompus, et que la petite Mme Chenay tire sa petite épingle de son petit jeu et que je vous aime sans compter.
Je laisse à votre cœur généreux le soin de rabibocher le mien.

BnF, Mss, NAF 16385, f. 241
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « Attrappé ».
b) « en fond ».

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