Paris, 21 avril [18]79, lundi matin, 8 h.
Cher bien-aimé, je t’ai déjà fait ma petite visite matinale et j’ai constaté avec plaisir que tu dormais à poing fermé ; ce que voyant, je me suis retirée clopin-clopant plus que jamais mais satisfaite de te laisser en si bonnes dispositions. La pluie continue à tomber drue et mon genou à faire rage, après cela tout est bien qui finit bien pourvu que tu m’aimes loyalement et de tout ton cher grand cœur. Je n’ai pas pensé à te faire signer le mandat de quarante-huit francs pour les amnistiés et tu as oublié de parler à Paul Meurice de Wolff [1] et de son article. Il sera encore temps de réparer cet oubli après-demain, mercredi ; d’ici là, il arrivera, probablement, beaucoup d’autres choses intéressantes dont il faudra que tu t’occupes. En attendant aimons-nous au plus près du cœur que nous pourrons, pour que rien de mauvais ne se mette entre nous. Vivons la main dans la main, les yeux dans les yeux et l’âme dans l’âme et confions-nous à Dieu.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF, 16400, f. 107
Transcription de Chantal Brière