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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 octobre [1844], jeudi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon beau petit Toto chéri, bonjour, mon cher petit homme ravissant, bonjour, toi que j’aime, comment vas-tu ce matin, mon pauvre petit piocheur ? As-tu pris du repos cette nuit ? Je crains que tu n’aies eu bien froid sans feu. Je trouve que c’est bien imprudent à toi de travailler sans feu. C’est le moyen de se donner une congestion cérébrale. Il faudrait faire faire du feu par Étienne le soir, le plus tard possible, et une fois bien arrangé, il peut aller très avant dans la nuit sans que tu aies besoin de t’en occuper. Pense, mon amour, que, outre la souffrance que tu t’imposes en travaillant sans feu, tu risques de te donner la plus horrible et la plus dangereuse des maladies. Et puis, si tu ne la redoutes pas pour toi, pense à moi, mon Toto, pour qui cette inquiétude est de trop. J’ai bien assez à faire de supporter ton absence sans y ajouter la crainte que tu ne sois malade. Je te paie le café si tu veux te faire faire un bon feu tous les soirs. En attendant, je te le repaie encore si tu veux venir tout de suite me baiser.
J’ai presque envie de faire venir une voie et demie de bois car il est plus que sûr que nous n’en aurons pas assez pour passer le plus gros de l’hiver avec une seule voie. Cependant, comme je ne t’en ai pas prévenu hier, j’hésite. Je verrai à me décider au moment où j’enverrai Suzanne le chercher. Je l’envoie aujourd’hui parce que demain c’est fête et que nous n’en avons plus que jusqu’à ce soir. Il est probable que M. Marre viendra tantôt, à moins que son auguste moitié n’ait changé d’avis. Mais je voudrais, dans tous les cas, que cela ne t’empêche pas de venir à ce moment-là. Il est vrai que ce sera l’heure de l’Académie et tu n’es pas homme à délaisser cette vieille [refroignée  ?] pour moi. Taisez-vous car c’est vrai. Vous ne pensez à moi que lorsque tout le monde est content. C’est ce qui fait que vous n’y pensez jamais. Taisez-vous, taisez-vous ou je vous tire le nez. Ah ! mais je ne plaisante plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 309-310
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette


31 octobre [1844], jeudi soir, 6 h.

Cher bijou bien aimé, j’aurais bien envie et bien besoin de grogner pour me soulager un peu et pour faire diversion à l’énorme ennui qui s’est emparé de moi depuis que je sais que je ne dois pas te voir de toute la soirée. Mais je crains que cela ne te fasse aucun effet, c’est ce qui me retient. Cependant, je ne saurais m’empêcher de te dire que je trouve les voyages de M. Bernard bien trop fréquents pour être vrais. Quelle quea soit la rage de déplacement dont cet homme soit saisi, il est impossible de croire qu’il le pousse jusqu’à faire cent lieues tous les quinze jours. Si cela était, ce monsieur ferait mieux d’être conducteur de diligence que député et je ne m’y opposerais pas. Toujours est-il, mon amour, que j’ai martel en tête et que j’ai plus envie de pleurer que de rire.
J’ai vu M. Marre tout à l’heure. Il m’a donné une nouvelle note et fait de nouvelles instances pour que tu écrives le plus tôt possible à son directeur parce qu’il craint d’arriver trop tard. Maintenant c’est à ta diligence.
J’ai mal à la tête et je sens que cela ne fera que croître et embellir avec les idées biscornues qui me trottent dans la tête. J’ai bien envie d’essayer d’aller voir chez vous ce qui s’y passe. Vous savez que cela m’est déjà arrivé et chez ce même M. Bernard, ce qui a été cause que je vous ai trouvé en orgie chez Anténor Joly. Je ne serais pas étonnée, si je refaisais ce soir la même démarche, qui sait, je vous trouverais peut-être dans un moment très intéressant… Toto, Toto, méfie-toi car je sens furieusement la jalousie. Prends-garde [à] toi, Toto, je ne te dis que ça pour le quart d’heure.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16356, f. 311-312
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « quelque ».

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