3 mai [1837a], mercredi soir, 5 h.
Quelle bonne journée, mon bien aimé ! Tout à la fois ta bonne lettre [1] et ton adorée petite personne ! Tout le bonheur, toute la joie en un seul jour ! Aussi je suis heureuse comme une bonne femme bien aimée. Il fait un beau temps dans mon cœur. Jamais plus beau soleil n’a luib sur ma vie. Je suis heureuse, je suis très geaie. Vive Toto ! Vive Toto ! Vive Toto ! Si jamais je remonte sur le trône, je promets de récompenser civiquement, civilement et magnifiquement le Sieur Toto Vicomte de Siguenza cogoliondo [2] qui a bien mérité de nous pour tous les services et le dévouement à notre personne impériale et royale. En foi de quoi nous nous plaisons à lui donner ce témoignage de notre gratitude en l’engageant à réclamer de nous en temps opportun le prix dû à son héroïque et courageuse conduite.
L’an 5 de notre règne le 3 mai 1837
Juju
Jour on rit avec vous. Tu ne te [fâches ? fâcheras ?] pas ? Y a pas de plaisir alors. Je vous aime d’abord parce que c’est le bonheur de ma vie et la joie de mon cœur que de vous aimer. Je vous aime parce que vous êtes le plus beau, le plus noble et le plus généreux des hommes. Je vous aime parce que vous êtes le plus grand de tous ! et puis enfin je vous aime d’une manière encore plus irrésistible et plus désintéressée, je vous aime parce que je vous aime. « Êtes-vous content ? en avez-vous assez ? et faut-il encore que je mette mon cœur à nu comme je l’ai fait de l’autre chose ce matin, parce que je suis femme et que vous représentez ici l’homme le plus curieux de tout l’univers ? Oh je trouverai moyen de me venger de tout ce que vous ne me faites pas dire, allez » [3], car ça m’étouffe et que j’en ai plus gros sous le cœur que le Panthéon l’indigeste mémoire. Je vous aime sept cent mille de fois plus que vous ne me donnez l’occasion de vous le prouver, et vous êtes un vieux Toto et moi une jeune Juju pleine d’ardeur et de férocité, ce qui fait que je vous baise à tous les endroits que vous avez oubliés dans mon individu femelle.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16330, f. 123-124
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein
a) Le millésime est ajouté d’une main différente, sous la date.
b) « luit ».