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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 avril [1849], vendredi matin, 6 h. ½

Bonjour, mon doux et charmant petit bien-aimé, bonjour jusque dans l’endroit le plus caché de ton âme, bonjour et bonheur. Comment s’est passée ta bafrerie d’hier ? Comment et à quelle heure es-tu revenu de chez le président de la République ? Probablement très tard puisque tu n’as pas cru devoir venir me voir avant de rentrer chez toi ? Quant à moi, je suis revenue tout bêtement en omnibus avec ma Suzanne portant tes deux républiques [1] dans ses bras. Bien m’en a pris puisque M. Leboucher est venu le soir. Nous avons eu ensemble une consultation détaillée et approfondie de tout ce que j’éprouve, puis il m’a donné deux médicaments à prendre, un le matin pendant 10 jours, l’autre le soir pendant trois jours. Puis je lui ai payé sa note montant à 40 francs au lieu de 30 comme je l’espérais, ce qui met ses 10 visites à 4 francs. Je n’ai pas osé lui faire d’observation à ce sujet de vive voix et en face parce que rien n’est plus gênant et plus embarrassant, mais si tu le crois nécessaire après information, je lui écrirai pour l’avenir. Voilà, mon cher adoré, le récit fidèle de ce qui s’est passé hier. Je me suis couchée à dix heures et je me suis endormie tout de suite, parce que la nuit précédente je n’avais pas beaucoup dormi, puis me voilà te griffouillant de mon lit ce matin toutes ces belles nouvelles intéressantes. Pendant ce temps-là tu dors, c’est ce que tu as de mieux à faire et ce que tu devrais toujours faire quand tu te trouvesa nez à nez avec ma littérature. Jour Toto, jour mon cher petit o. Je vous assure que vos deux républiques sont très bien sur ma cheminée. C’est la première fois que leurs augustes frimousses me font plaisir. Jusqu’à présent elles étaient loin de me plaire, cependant je les aime mieux à vous qu’à moi et je vous les abandonne de grand cœur. Voime, voime, ça n’est pas malheureux n’est-ce pas GÉNÉREUX homme ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 97-98
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « tu trouves ».


13 avril [1849], vendredi matin 11 h. ½

C’est bien longtemps sans vous voir, mon petit homme, et je commence à quitter l’impatience pour la tristesse. Cependant je ne veux pas te tourmenter, mon adoré, puisqu’aussi bien ce n’est pas ta faute, mais je serais bien malheureuse si tu ne pouvais pas venir me prendre tantôt. J’espère que je n’aurai pas cette affreuse déception et pour mieux y parvenir je fais tous mes préparatifs comme si j’étais sûre que tu puissesa venir me prendre à une heure. Je me suis aperçue tout à l’heure, mon cher petit homme, que le feuillage de ta république lapin était peint au lieu d’être cuit avec la porcelaine. Peut-être cela te contrariera-t-il ? Jusqu’à présent je n’avais pas remarqué qu’on peignît les porcelaines après coup. Maintenant je m’en défierai pour l’avenir. Du reste il faut y regarder d’aussi près que moi pour voir que ce feuillage ne fait pas partieb de l’émail général du petit lapin. D’ailleurs si tu n’en veux pas, tu me le donneras et je serai trop heureuse de t’en débarrasser. Tu peux compter sur mon dévouement en cette occasion comme toujours et plus encore si c’est possible. Voime, voime, on n’est pas plus dévouéc aux républiques lapin que cette Juju-là, à preuve qu’elle en accepte l’image avec attendrissement. Il va sans dire que ce que je t’en dis c’est par pure obligeance, ainsi ne te gêne pas pour la garder si sa queue verte ne te répugne pas trop. En attendant baise-moi et songe à nos deux culottes. Il me semble que voici le temps de les endosser. Une fois que nous les aurons le diable ne pourra pas les reprendre, tandis que si nous attendons encore il n’est pas rien que le bon Dieu nous les donne plus tard. Ceci mérite d’être pris en considération. Allons, mon Toto, un peu de courage à la poche de la culotte et du cœur au ventre, nous nous en trouverons bien tu verras.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 99-100
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « tu puisse ».
b) « parti ».
c) « dévouée ».

Notes

[1Statues en porcelaine.

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