Paris, 17 janvier [18]79, vendredi matin, 9 h.
Cher bien-aimé, la joie de savoir que ta nuit a été relativement bonne s’ajoute à toutes les tendresses accoutumées de mon bonjour. Je te souris, je t’adore et je te bénis. Tu as bien fait de renoncer au Sénat aujourd’hui car l’ordre du jour est peu intéressant et le temps est comme lui. Tu pourras, puisque tu restesa ici toute la journée, donner un coup d’œil sur tes courriers nombreux. Quant à moi, je viens de mettre à jour le livre de la cuisinière, en retard aussi depuis avant-hier. Entre temps, comme on dit en Bruxelles, tu me donneras un conseil pour savoir si je dois inviter Lesclide pour éviter le nombre treize ce soir. Le danger est d’arriver au même nombre fatidique si une des personnes invitées ne vient pas. De là ma perplexité ; toi seul peut décider la question ; bon ! je m’aperçois, à temps, que nous serons 16 à table sans le secours d’aucune recrue !!! Cette matière de se tirer d’embarras n’est pas à la portée de tout le monde et je ne sais pas trop si je dois nous en féliciter… outre mesure. Brochant sur le tout, j’ai un fichu rhume qui ne me laisse pas un moment de repos. Mon nez et ma gorge grognent, sifflentb, ronflent, pleurent et toussent à grand orchestre comme dans un festival wagnérienc. Mais j’en prends mon parti ; j’espère que les autres aurontd la même patiente indulgence, à commencer par toi, mon ineffable adoré bien-aimé.
BnF, Mss, NAF 16400, f. 18
Transcription de Chantal Brière
a) « reste ».
b) « siflent ».
c) « wagnerrien ».
d) « aurons ».