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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 janvier [1849], jeudi matin, 8 h. ¼

Bonjour, mon doux adoré, bonjour. Ô mon Dieu pourvu qu’il ne te soit rien arrivé hier pendant le trajet de l’Assemblée chez toi ! J’avais envie hier au soir à huit heures d’aller savoir chez toi si tu étais rentré en bon état. J’aurais bien fait de céder à cette inspiration, je n’aurais pas passé une si mauvaise nuit et je serais moins tourmentée à l’heure qu’il est. Maintenant je serai la plus malheureuse des femmes jusqu’à ce que je t’aie vu et que je sois bien sûre que tu n’as rien de cassé ! J’ai bien regretté hier en voyant le fils d’Eugénie [1] sain et sauf d’être allée chez elle chercher de ses nouvelles, à cause des difficultés sans nombre que j’ai euesa pour revenir. Vraiment c’est fait pour moi, mais tout cela est moins que rien si tu n’as ni plaies ni bosses, ce dont je doute très fort par le verglas casse-cou qu’il faisait hier au soir. La place de la Concorde surtout devait être impraticable. Et les quais ! et la place du Carrousel ! tout cela autant de miroirs perfides sur lesquels vous aurez miréb de trop près vos augustes représentants. Je crois que j’aurais préféré te savoir chez quelque lorette des Invalides dans une maison à PORTIER [2] que sur le pavé de Paris transformé pour le quart-d’heure en un effroyable casse-cou avec et sans [illis.]

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 5-6
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « eu ».
b) « mirés ».


4 janvier [1849], jeudi matin, 11 h. ½

Je continue d’être la plus tourmentée et la plus malheureuse des femmes. Tant que je ne t’aurai pas vu, mon pauvre doux adoré, je serai dans cet état d’inquiétude inexprimable. C’est que tu es si bien toute ma vie. C’est que ta santé est si bien ma tranquillité, ma joie et mon bonheur, que je ne peux pas n’être pas horriblement malheureuse quand je suis inquiète d’elle. C’est que je ne me rends pas compte comment tu auras pu sortir de ce bassin de glace qui sépare l’Assemblée de notre quartier. Quant à moi pour venir de la rue de Bréda ici, j’ai manqué de me rompre les os plus de vingt fois. J’aurais dû suivre mon inspiration en allant savoir hier si tu étais rentré sain et sauf. Je ne serais pas dans l’inquiétude à l’heure qu’il est. Je suis une bête stupide et je n’ai que ce que je mérite. tant pire pour moi. Je viens de recevoir une lettre de M. Pradier qui avait été adressée rue Sainte-Anastase, 12 [3]. Après les compliments et les banalités d’usagea, il me prie de te prier de l’appuyer pour le monument de l’Empereur [4], et il s’engage, dans le cas de réussite et sur l’honneur à tenir sa promesse sacrée [5]. Comme si une promesse sacrée ne devait pas être remplie sans condition aucune. Enfin il faut accepter l’homme tel qu’il est et lui venir en aide dans la mesure que tu jugeras juste et digne. Ma prière ne va pas plus loin, mais ma reconnaissance égale mon admiration pour toi, ma vénération et mon adoration.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 7-8
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « d’usages ».

Notes

[1Jules-Charles, né le 18 juin 1836. Il est le fils non-reconnu du peintre Jules-Claude Ziegler.

[2Maison close. Les prostitués qui racolaient sur le pas des portes étaient appelées des portières.

[3Juliette Drouet a quitté la rue Sainte-Anastase pour la cité Rodier en novembre 1848.

[4Il s’agit des douze Victoires du tombeau de Napoléon pour lesquelles le gouvernement devait encore à Pradier une très grosse somme [Remerciements à Douglas Siler].

[5À la mort de sa fille Claire, James Pradier fait la promesse de lui sculpter un monument funéraire. Il décèdera en 1852 sans avoir accompli son serment.

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