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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 janvier [1845], dimanche soir, 4 h.

J’éprouve le besoin de te dire que tu es mon adoré toujours plus doux, toujours plus indulgent, toujours plus tendre, toujours plus aimé, toujours plus admiré et toujours plus adoré. Cette pénible semaine a mis ta patience et ta bonté à de rudes épreuves, mon Victor, je le sentais jusque dans le bout des ongles et je m’en voulais de n’avoir pas plus d’empire sur moi. Il fallait bien que ce fût impossible, mon adoré, car j’aurais donné tout au monde pour ne pas t’occuper de mes ennuis. Cela m’a été impossible et le malaise général auquel je suis en proie depuis plusieurs jours a été plus fort que moi et l’a emporté sur mes belles résolutions. Du reste, aucune contrariété ne m’a été épargnée. Je les ai toutes subiesa dans cette malencontreuse semaine qui vient de s’écouler. Dieu veuille que cela s’arrête à celle qui va commencer. Je craindrais de tomber sérieusement malade. Ce que j’éprouve de tristesse et de découragement depuis quelque temps est indéfinissable et m’effraie malgré moi, car je n’y vois pas de cause sérieuse, si tu m’aimes toujours comme tu as l’ineffable bonté de me le laisser voir. Il faut donc qu’il y ait quelque chose de dérangéb dans ma santé, sinon dans ma raison. En cherchant bien, il ne serait peut-être pas difficile de trouver une cause à cet état singulier mais à quoi bon remonter à la source du mal. Quand on ne peut pas le fermer, il vaut mieux l’oublier si on peut et se laisser croire à soi-même que tout le mal qui arrive est causé seulement par l’état de l’atmosphère. C’est ce que je tâche de faire le plus que je peux. Du reste, mon petit bien-aimé, je suis pleine de reconnaissance, de tendresse et d’amour. Je ne t’ai jamais plus ni mieux aimé qu’à présent. Tu dois le voir, n’est-ce pas, mon adoré, même à travers ma maussaderie et mes maux de tête ? Je ne sais pas ce que je ferais si jamais tu venais à douter un seul instant de mon amour. Cela ne se peut pas et ne se pourra jamais tant que je vivrai. Ô oui je t’aime, mon Victor, toute ma vie est dans mon amour. Je t’aime dans le souvenir, dans l’espérance, dans l’air que je respire, dans les vœux que je fais, dans tout ce qui m’entoure, dans ce que je vois et dans ce que je pense. C’est toujours mon amour que je sens et qui me fait vivre. Je baise ta divine petite bouche et tes adorables petites mains.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16358, f. 59-60
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « subis ».
b) « déranger ».

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