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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 avril [1846], lundi matin, 9 h. 

Bonjour vous, bonjour toi. Je ne dormais pas cette nuit et vous vous êtes en allé tout de même. Voilà la prime d’encouragement que vous me donnez pour veiller et pour être AIMABLE. Merci, ça me coûte à moi plus que ça et j’y perds trop. Dorénavant je garderai mon amabilité pour moi. Clairette va bien ce matin quoiqu’elle n’ait pas beaucoup dormi et qu’elle n’ait aucun appétit [1]. Nous verrons ce que M. Triger dira tantôt. En attendant, je viens de lui jouer mon grand air en SERINGUE MAJEURE. C’est ma première besogne en me levant, malheureusement cela n’avance pas à grand-chose. Je n’aurai pas de mère Luthereau encore aujourd’hui. Vous devriez venir prendre sa place, vous me feriez un sensible plaisir et je vous assure que je ne trouverais pas le temps long. Essayez-en pour voir. Hélas ! De quelque façon que je te demande de venir et de rester auprès de moi, tu fais la sourde oreille et j’en suis pour mes frais de tendresse et de prière. Il est vrai que, pour ajouter des regrets à mes déceptions de toute l’année, tu viens pour rester auprès de moi chaque fois qu’il m’est impossible de profiter de ta présence. Si c’est le hasard seul qui arrange les choses ainsi, il faut avouer qu’il a de l’esprit pour deux et qu’il vous sert à souhait, mais je ne veux pas finir sur cette mauvaise pensée. Je veux vous sourire tout de même et croire que ce n’est pas votre faute et que vous m’aimez un peu pour tout ce que je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 415-416
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette


27 avril [1846], lundi soir, 8 h. 

Je suis seule, mon cher petit bien-aimé, et j’en profite pour regarder dans mon cœur. J’y retrouve ta douce pensée tenant compagnie à mon pauvre amour solitaire et bien contristé depuis longtemps. Décidément Mme Luthereau a arrêté sa place pour jeudi [2]. Dieu en soit loué, quoique ce soit une excellente femme, mais dans ce moment-ci j’ai bien autre chose à faire qu’à me complaire dans ses bonnes et aimables qualités. J’ai vu M. Triger tantôt, j’avais déjà vu sa femme. Je ne sais pas ce que je dois penser et craindre de tout ce que je recueille de renseignements et de conseils au sujet de ma pauvre fille. Je te dirai ma conversation avec M. Triger et tu me diras ce qu’il faut que j’en pense. Quant à moi, il m’est impossible d’envisager courageusement la possibilité même d’un danger sérieux pour cette pauvre enfant. Et cependant le bon Dieu n’a pas de raison de m’épargner plus que d’autres qui valent mieux que moi. Je suis, comme tu le vois, mon cher bien-aimé adoré, dans une disposition d’espoir qui n’est rien moins que gaie. Tu dois comprendre combien ta douce présence me manque et combien je la désire. Je t’attends avec tout mon cœur, toutes mes pensées, tout mon amour et toute mon âme. Je me suspends à ton souffle pour trouver le courage de vivre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 417-418
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Claire mourra en juin de la tuberculose.

[2Laure Luthereau est venue de Bruxelles passer quelques jours à Paris pour régler une affaire délicate.

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