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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er avril 1846

1er avril [1846], mercredi matin, 9 h. ½

Bonjour [bien-aimé  ?] adoré, bonjour Toto, bonjour toi, bonjour vous, je vous envoie un million de baisers tout chauds, tout bouillants. Tâchez de ne pas les laisser refroidir et se morfondre à votre porte s’il vous plait. Je suis levée depuis 7 h. du matin. Je n’ai laissé lever Claire que tout à l’heure. Elle a dormi depuis 10 h. jusqu’à 4 h. ce matin. Elle se sent toujours à peu près la même chose, dit-elle. Je crois que quelques jours de repos suffiront. Je ne m’en inquiète pas autrement maintenant. Si le temps est beau et doux tantôt je lui ferai peut-être faire une petite promenade jusqu’à la Bastille. Et puis s’il y a séance demain à la Chambre j’irai avec elle. La distraction et le repos seront les remèdes efficaces pour ce genre d’indisposition. Je vais la faire écrire tout à l’heure à son père pour sa proposition officieuse [1]. Nous verrons ce que cela donnera, pour ma part je n’en attends rien de bon. Cher petit homme adoré, je suis furieuse contre vous et contre moi. Contre vous qui ne me parlez pas, contre moi qui n’ai pas assez d’esprit pour vous arracher une parole du ventre. Si bien que, le soir arrivé, nous avons l’air de deux hiboux empaillés. C’est peut-être drôle dans la chambre d’un naturaliste mais dans la mienne ce n’est que bête et je suis furieuse comme un chien.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 329-330
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette


1er avril [1846], mercredi après-midi, 9 h. ½

Nous voici de retour, mon Toto chéri, il y a déjà une heure de cela car j’ai reçu mon linge, je l’ai serré dans mon armoire et j’ai arrangé et épousseté toutes mes affaires de toilette. Cher petit homme bien aimé, nous avons constamment suivi le côté gauche du boulevarda malgré le soleil gênant qu’il y faisait dans l’espoir chimérique que peut-être vous viendriez nous rejoindre. Nous sommes sorties de la maison à 9 h. juste et rentrées à 4 h. ½. Claire a très bien soutenu cette promenade à la fatigue près, car c’est surtout par les forces qu’elle manque, ce qui se comprend parfaitement puisqu’elle ne prend pas de nourriture. Avant de partir elle avait pris un peu de riz froid et qui lui a assez bien réussi. En somme ce n’est qu’une grande fatigue causée par les travaux de cet hiver. Quelques jours de repos et de régime auront raison de cette petite indisposition. Eugénie était venue savoir de ses nouvelles et aussi pour faire de la tapisserie. Elle est sortie avec nous et depuis son retour elle travaille à mon fauteuil [2]. Voilà, mon petit Toto, les nouvelles intéressantes du moment. Et vous que faites-vous mon vieux chinois ? Êtes-vous arrivé assez à temps pour votre commission ? Vous courriez assez fort, Dieu merci. Si vous n’y êtes pas arrivé à l’heure ce ne sera pas la faute de vos jambes. Il n’y a pas de danger que vous courriez ainsi pour venir me retrouver. Vous n’êtes jamais pressé quand il s’agit de moi. Taisez-vous, vous savez bien que ce n’est que trop vrai. Taisez-vous et baisez-moi mieux que ça.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 331-332
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « boulevart ».

Notes

[1Dans la lettre du 30 mars, à 7 h. du soir, après avoir rendu visite à Claire, Juliette avait informé Hugo : « […] Elle avait vu son père dans la matinée […]. Il lui a dit que M. Defrène et un autre employé supérieur à Barrière (il paraît qu’il en existe) se faisait fort de la faire passer le jour qu’elle voudrait tous les honneurs de la guerre. Je lui ai dit de profiter tout de suite de cette bonne volonté et d’écrire à son père qu’elle acceptait le combat le jour où il plairait à ces ou à ce messieurs ou monsieur. ». Claire a effectivement écrit à son père ce jour-là. Il lui répond peu après le 1er avril : « Je t’écris à la hâte pour te dire de te présenter le plus tôt possible chez cette dame dont je mets ci-joint l’adresse. M. Barrière a été très bien et a dit d’exécuter ceci en tous points. Tu te présenteras de sa part. Elle t’examinera un moment et après tu seras reçue. Il faut l’espérer, car Barrière l’a dit à notre ami qui a fait tout ceci. Il paraît qu’il est tout à fait à nous, en conséquence n’aie pas peur et sois tranquille. Si tu veux que je te répète tout ceci de bouche, viens me voir. ET surtout ne sois pas inquiète pour toi, comme pour ta maladie, tout Paris a eu cette maladie. » (Autogr. : B.P.U., Ms. fr. 1312). Correspondance, édition citée de Douglas Siler, p. 272.

[2Le fauteuil que Juliette Drouet prend soin de retaper, à l’aide d’Eugénie, pour Victor Hugo, sera placé dans la salle à manger de Hauteville House à Guernesey.

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