28 avril [1848], vendredi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon brave Montagnard ; bonjour, honneur et gloire à vous. Vous vous êtes très bien comporté hier. Il n’y a rien à dire, vous êtes encore un vieux de la vieille [1]. Je vous en fais mon compliment de tout mon cœur. Ceci m’a mise en appétit et je voudrais bien en manger tous les jours......... de la République. Nous verrons si vous vous prêterez de bonne grâce à cette friandise. En attendant, je continue de trouver la chose bien bonne et je vous adore en conséquence. Si j’avais seulement quelques chemises d’appoint, une pincée de chapeau et un atome de brodequins, je serais la plus comblée des Juju. Malheureusement ce dernier paragraphe n’est pas à l’ordre du jour, tant s’en faut, et je ne sais à quel saint me vouer pour être exaucée. Je ne connais que Saint-Fraucheur pour me tirer d’embarras aidé de Saint-Frusquin.
Il faudra absolument que j’en essaye ne fût-ce que pour voir comment cela fera. Je risque ma peau et mes os, je le sais, mais aussi qui ne risque rien n’a rien et je veux avoir des chemises et encore autre chose.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16366, f. 141-142
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
28 avril [1848], vendredi, midi ½
Eh ! Bien où en sont les scrutins [2] ? Je voudrais déjà le savoir pour connaître au juste ce que renferme d’esprit intelligent et de cœurs sans envie une ville comme à Paris. Ma curiosité sur ce point est vivement éveillée et je ne serai pas fâchée de la satisfaire le plus tôt possible. Je suis très impatiente chaque fois qu’il s’agit de vous.
Cher adoré bien-aimé, je me tiendrai toute prête aujourd’hui afin de t’accompagner si je le peux, c’est-à-dire si tu veux. J’ai été trop fâchée hier d’avoir manqué cette occasion pour ne pas tâcher de la ressaisir aujourd’hui. Dès que tu pourras me redonner à copier je suis à ta disposition, non pas que je manque d’ouvrage, car je vais faire mes chemises [de] flanelle dont j’ai aussi un très grand besoin, mais copier c’est la récréation, c’est la joie, c’est le bonheur, c’est pour cela que je te prie de penser à moi dès que tu le pourras. En attendant je te baise, je t’aime, je te désire et je t’adore. Je t’attends tout à l’heure et j’espère aller avec toi. Quel bonheur !
Juliette
BnF, Mss, NAF 16366, f. 143-144
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette