Guernesey, 6 novembre [18]78, mercredi matin, 7 h.
Je te remercie, mon grand bien-aimé, de m’avoir rassurée encore une fois. Tu ne sauras jamais le faire trop, tu ne sauras jamais le faire assez pour raffermir ma confiance si profondément ébranlée pour effacer tous les cruels souvenirs qui me torturent le cœur depuis quatre mois, pour cicatriser toutes les plaies vives de mon âme [1]. Il m’arrivera bien souvent encore, je le crains, de te demander aide et protection contre mes défaillances et mes doutes par des paroles tendres et loyales comme celles que tu m’as dites hier pour la seconde fois ; si tu m’aimes, comme je l’espère, loin d’en être impatienté en me les répétant, tu en seras au contraire soulagé et heureux. Comment a été ta nuit ? Bonne, je l’espère, la mienne, aussi, très bonne. Je n’ai pas eu de perte depuis avant-hier soir [2] et je ne souffre pas trop des reins. Je prends avec courage et persévérance mes six cuillerées de MIXTURA. Pouah ! J’emballe avec rage tout ce qui peut tenir dans deux malles que Mariette a déjà envahies aux deux tiers par tes habits neufs et vieux. Je t’envoie les notes ci-jointes, y compris la dépense et le blanchissage avancés par Rosalie et par Henriette et, comme appoint, tout mon cœur qui t’adore.
Monsieur
Victor Hugo
Hauteville House
Syracuse
Transcription de Gérard Pouchain
[Barnett et Pouchain]