14 février [1846], samedi soir, 6 h. ¼
Je t’attends avec une impatience dont tu ne peux pas avoir l’idée parce que tu ne peux pas m’aimer comme je t’aime et que ta curiosité ne peut être jamais très éveillée à l’endroit des divers speechs que je ne peux prononcer dans ma vie. Je t’attends, je t’attends, je t’attends, je t’attends. Si tu avais la moindre pitié de moi tu quitterais tout pour m’apporter ton joli museau à baiser. Mais le premier Pair de France, COIFFÉ ou non a plus d’empire sur vous que moi. C’est peu flatteur mais c’est vrai. La séance est finie et archi finie et vous êtes encore à venir. Cependant je voudrais bien savoir si vous avez parlé [1], et ce que vous avez dit. Mon Dieu que c’est bête à moi de vous aimer comme ça et d’attacher tant d’importance à vos moindres actions. Si je pouvais me corriger, comme vous seriez content et comme je serais…..ATTRAPÉ car si je ne vous aimais pas qu’est ce que je ferais sur la terre et à quoi serais-je bonne ? Tout est donc pour le mieux même dans la pire condition et je ne voudrais pas changer mon amour, tout mal partagé qu’il est, contre l’indifférence nageant dans les millions. Voilà ma vraie opinion et vous la connaissez bien puisque vous êtes si tranquille, si loin de moi.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16362, f. 159-160
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette