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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 février [1846], mardi matin, 10 h.

Bonjour mon bien-aimé adoré, bonjour mon cher amour, bonjour mon soleil, bonjour ma joie, bonjour mon tout, comment vas-tu ce matin ? Il y a aujourd’hui un an que je suis emménagée dans ce logis [1] par un temps encore plus froid que celui-ci. Je regrette toujours notre pauvre petite maison dans laquelle nous nous sommes si bien aimé, pendant neuf ans. Hélas ! il me semble que nous y avons laissé non seulement notre bonheur passé mais celui à venir car depuis que je demeure dans cette maison je t’attends tous les jours inutilement. Je ne t’en fais pas un reproche, mon bien-aimé, Dieu le sait, mais je voudrais n’avoir jamais quitté notre petite maison puisque notre bonheur y avait élu domicile. Je me suis réveillée ce matin avec ce regret et je l’ai conservé jusqu’à présent plus fort et plus vif encore. Je crois qu’il y a des maisons qui sont privilégiées pour le bien et pour le mal et qu’on devrait faire cette distinction quand on est assez heureux pour entrer dans les premières et de n’en jamais quitter. Il est bientôt temps d’y songer maintenant que c’est fait. Mais aussi qu’est ce qui pouvait prévoir que notre bonheur serait à ce point paresseux qu’il ne voudrait pas faire un pas avec nous pour nous suivre ? Ô si je l’avais su je serais morte de vieillesse au nº 14 plutôt que d’en sortir jamais. Je t’adore pourtant ici comme là.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 143-144
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

[Souchon]


10 février [1846], mardi soir, 5 h.

Mon Victor adoré, mon bien-aimé, mon divin bien-aimé, tes doux baisers de tantôt ont fait fleurir des joies et des espérances qui étaient enfouies au fond de mon cœur sans pouvoir en sortir, non par faute de sève et d’amour mais par manque de caresses, ces soleils de l’âme et du cœur. Depuis tantôt je chante, je suis gaie, j’aime la maison, j’ai dans le cœur un trésor de confiance et d’espérance qui n’y était pas quand je t’ai écrit la première fois. Je suis heureuse, tu m’aimes. Je suis joyeuse, tu m’aimes. Je suis au ciel, tu m’aimes. Quand tu viendras tout à l’heure je te dirai à genoux tout ce que tu as ajouté à ma reconnaissance et à mon adoration tantôt. Il y a des moments, c’est toi qui l’as dit, où un sou vaut mille francs. Il y a des moments pour le cœur où un baiser vaut des éternités de tendresse. Je l’ai bien sentiª tantôt pendant que tu me serrais sur ton cœur. Mon Victor béni, mon divin bien-aimé, sois heureux dans tout ce que tu aimes. Jamais tu ne le seras autant que tu le mérites et que je le désire. En attendant que tu viennes, je pense à toi et je te désire de toutes mes forces. Je baise toute ton adorable petite personne depuis les pieds jusqu’à la tête et depuis la tête jusqu’aux pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 145-146
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « sentie ».

Notes

[1Le 10 février 1845, elle a déménagé du 14 au 12 rue Sainte-Anastase.

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