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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 janvier [1846], mercredi matin, 9 h. ¾

Bonjour aimé, bonjour plus qu’aimé, bonjour adoré petit Toto. Bonjour que le bonheur soit avec moi. Il fait un temps hideux mais dans mon cœur il fait beau. Ton amour, c’est mon soleil et jamais il n’a jeté de plus beaux et de plus doux rayons sur ma vie. Quand je pense à ce que tu es je me sens pénétrée de respect, d’admiration et d’adoration. Je voudrais te servir à genoux et baiser tes pieds. Aussi, pour être avec toi une minute, je ferais des lieuesª à travers tous les obstacles de la nature et des hommes. Que tu es bon, mon adoré d’être revenu hier me chercher. Vois-tu, dans cette action si simple en apparence, il y a autant de grandeur, de bonté, de poésie et de générosité que dans les plus beaux de tes ouvrages. Quant à moi, mon Victor bien aimé, j’en éprouve autant de reconnaissance et de bonheur que si tu m’avais donné des siècles de joie et d’amour. Je ne sais pas dans quelle langue ou dans quel patois je te dis ces choses là, mais je sais bien qu’il n’y a rien sur la terre et dans le ciel de plus tendre, de plus ineffable et de plus divin que ce que je sens pour toi.

Je baise toute ta ravissante petite personne depuis la tête jusqu’aux pieds. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 93-94
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « lieux ».


28 janvier [1846], mercredi soir, 6 h. 

Aimé, cher aimé, reviens bien vite auprès de moi. C’est bien le moins, puisque je te vois si peu à la fois, que tu viennes souvent. Aujourd’hui j’ai fait mon fameux MÉNAGE, demain je prendrai un bain. Voilà pourquoi j’ai voulu faire mes nettoyages aujourd’hui. Tous ces triquemaques reviennent assez souvent à cause de l’exiguïtéª du logis et la nécessité de faire presque tout moi-même. Et puis si je ne me créais pas des occupations dans ma maison je serais trop méchante et je vous ferais enrager encore davantage. Je regrette que tu n’aies pas prêté un peu d’attention à ce que disait Mme Triger sur la susditeᵇ cure, tu aurais vu que sa réputation de continence et de chasteté n’estᶜ rien moins qu’établie. Je ne comprends pas, cette opinion étant à tort ou à raison répandue dans le public, que Mme Marre l’attire chez elle et en fasse le commensal [1] habituel de sa maison. Dieu sait que cela me serait fort égal si je n’avais pas eu l’attention éveillée de côté-là et par cette même Mme Marre. Enfin à la grâce de Dieu et du diable mais il est bien absurde d’avoir cette crainte à ajouter à toutes les autres. Baise-moi, toi. Tu ne crains rien avec moi, que ne puis-je en dire autant de vous, je serais bien plus heureuse et bien plus tranquille que je ne suis. Baisez-moi encore et venez tout de suite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 95-96
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a)« l’exiguité ».
b) « le susdit ».
c) « n’ait ».

Notes

[1Celui qui mange habituellement à la même table avec un autre. On dit aussi, Être commensal d’une maison, Y être attaché, y manger habituellement. Il est familier. Dictionnaire de l’Académie française, 6th Edition (1835 ).

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