Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1846 > Janvier > 6

6 janvier [1846], mardi après-midi, 3 h. ¾

J’espérais, mon cher petit homme qu’il ne serait jamais plus question de l’affaire Chaumontel mais je vois que vous y tenez comme [rache  ? ruche  ?] et que je ne suis pas prête d’en être délivrée. Cependant rien ne m’empêche de la poursuivre avec vous, cette fameuse affaire. Les libertés sont libres et le chemin de Coulommiers aussi. Je ne vois pas ce qui peut s’opposer à ce que je remonte dans le même compartiment de voiture que vous, les Asseline les plus Chaumontélisés du monde ne peuvent rien contre cela. Aussi je compte sur votre loyauté pour me dire le jour où vous irez à Coulommiers afin de me laisser la faculté de m’y rendre de mon côté si la jalousie et le plaisir de voir de près ce brave Chaumontel m’y poussent. En attendant j’ai bien envie de vous flanquer une bonne dégelée, sans préjudice de la saison, pour vous apprendre à me faire poser en Caroline [1] par le temps qui fait. Y a-t-il longtemps que vous êtes revenu de la campagne ? Êtes-vous de retour de la campagne depuis longtemps ? Depuis combien de temps êtes-vous revenu de la campagne ? Voime, voime fort spirituel et digne d’être empaillé avec les illustres bipèdes qu’ont édité ces trois sublimes questions. Du reste ces sublimités sont traditionnelles chez ces animaux-là. Louis XV était aussi ingénieux et aussi varié dans ces questions. Tu te souviens de ce gentilhomme qui, interrogé plusieurs fois par lui sur le nombre d’enfants, qu’il avait fini, par en augmenter le nombre de cinq à neuf afin, disait-il, de ne pas lui dire toujours la même chose. On aurait pu faire la même chose hier si on n’avait pas pris le meilleur parti, celui de rire au nez du stupide personnage. Quelle bonne fortune pour le Corsaire-Satan [2] ou pour le Charivari [3] s’il savait cela. Non pas que le crétinisme de ces braves gens soit nouveau, mais c’est l’à-propos avec lequel ils s’en servent en toute occasion. Pour ma part je donnerais bien deux sous pour les voir figurer à la place d’Églogue et bucolique, n’était la sympathie que tu portes à d’autres personnes. Pardonne-moi de te parler Politique dans le moment où je suis toute pleine de l’affaire Chaumontel où je voudrais te donner de bonnes gifles.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 17-18
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

Notes

[1À élucider.

[2Le Corsaire, sous-titré Journal des spectacles, de la littérature, des arts, et des modes, est un quotidien français paru entre 1823 et 1858. Il a fusionné de 1844 à 1847 avec le Satan de Petrus Borel pour devenir le Corsaire-Satan.

[3Le Charivari est un journal illustré satirique français, qui parut de 1832 à 1937. C’est dans ce journal que parurent les premières caricatures de Victor Hugo, dans les années 1830, qui dénoncent un écrivain « révolutionnaire du goût » et imbu de lui-même.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne